Denzel et le syndrome du "déjà-vu"
Le 29 août 2023
Action movie banal quoique pas désagréable, Safe house est une simple rampe de lancement à la carrière hollywoodienne de Daniel Espinosa. Dommage pour le réalisateur de Easy Money.
- Réalisateur : Daniel Espinosa
- Acteurs : Denzel Washington, Ryan Reynolds, Sam Shepard, Robert Patrick, Vera Farmiga, Brendan Gleeson, Nora Arnezeder, Fares Fares, Rubén Blades
- Genre : Action, Thriller, Espionnage
- Nationalité : Américain, Sud-africain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 1h56mn
- Date télé : 8 novembre 2023 21:06
- Chaîne : L'Equipe
- Titre original : Safe House
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 22 février 2012
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Tobin Frost est le traître le plus haï et le plus redouté de la CIA. Après avoir échappé au contre-espionnage pendant près de dix ans, il refait surface en Afrique du Sud. Lorsque sa cachette d’un faubourg du Cap est attaquée par un mystérieux commando, un jeune "bleu", Matt Weston, est obligé d’assurer seul sa fuite et de le conduire dans une nouvelle résidence sécurisée. "Ange gardien" malgré lui, Matt voit dans cette mission une chance inespérée de faire ses preuves aux yeux de l’Agence. Une relation précaire s’établit entre le débutant et le renégat endurci. Mais Frost, manipulateur né, réserve quelques surprises à son candide protecteur…
Critique : Easy Money, parangon du polar solide et énervé, avait su créer la (bonne) surprise l’an passé et révélait le talent prometteur de Daniel Espinosa. Conséquence logique : comme tant d’autres avant lui, le jeune cinéaste suédois s’ajoute à la loooongue liste des auteurs européens remarqués à l’international puis courtisés par les États-Unis. Derniers cas en date, plutôt désastreux, les Allemands Florian Henckel von Donnersmarck (le calamiteux The Tourist) et Oliver Hirschbiegel (l’atone Invasion)... Heureusement pour lui, Espinosa se sort mieux de l’exercice que ses homologues teutons. Sans pour autant révolutionner la maison, ni rejoindre l’école d’Alexandre Aja – celui ’’qui a réussi’’, sachant imprimer sa patte à tous les projets qu’il touche.
Pourquoi les gros studios font-ils tant appel aux réalisateurs étrangers ces derniers temps ? Principalement pour recycler à la chaîne du matériau préexistant, à condition qu’ils y mettent le moins d’âme possible : remakes de cinéma bis (Invasion, The Eye, Mirrors), adaptations ou suites en tout genre (Le Choc des Titans, L’Incroyable Hulk)... Contre toute attente, le scénario de Sécurité rapprochée est entièrement original et traînait depuis quelque temps dans les black lists de Hollywood, celle des projets n’ayant toujours trouvé de producteurs. Pourtant, difficile de ne pas penser à une centaine de produits similaires devant ce faux film d’espionnage virant au survival urbain, compilant et remixant tout ce qui a été fait dans le genre depuis la fin des années 80.
Pour autant, Sécurité rapprochée se regarde sans déplaisir ni réel ennui. Les ressorts d’une intrigue à grosses ficelles se devinent tout de même à des kilomètres (jusqu’à un twist final assez éculé), tout comme ses plaisants raccourcis et invraisemblances (Ryan Reynolds qui perd son insaisissable prisonnier puis le retrouve deux heures après, à la suite d’une déduction hyper-fortiche). Tout le monde flingue sur tout le monde, sans qu’on comprenne toujours ce qu’il se passe... La routine. Le casting luxueux, en mode service minimum, refait ici ce qu’il a déjà fait ailleurs : Shepard en vétéran de l’espionnage, Farmiga en militaire faussement pète-sec, Gleeson en vieux filou, Reynolds en pauvre quidam qui enchaîne les tuiles... Denzel Washington, roitelet de l’entreprise, se réserve le beau rôle et redouble de cabotinage jazzy, sans trop forcer. Le comédien oscarisé semble voué à un régime dramatique, qui lui colle à la peau depuis la sortie de Training Day : manipulateur matois d’un côté (façon Inside Man), citoyen modèle de l’autre (facette L’Attaque du métro 123), il est ici un peu des deux, selon les situations et l’évolution du récit.
Il y a tout de même deux facteurs, légers mais réels, qui auraient pu faire dérailler Safe house de ses voies balisées. Le premier, c’est le décor choisi pour l’action, une Afrique du Sud poussiéreuse et paupérisée, que l’on voit assez peu dans le cinéma d’action hollywoodien. Mais malgré une ou deux prises de vues somptueuses, ce cadre ne demeure qu’un cadre, tout au plus un terrain de jeu vaguement amusant (une course-poursuite sur les toits d’un township) mais qui n’égale pas le fun et les délires pyrotechniques de Fast and Furious 5 ou autres Bad Boys 2. Deuxième facteur, justement, la mise en scène d’Espinosa offre d’abord quelques scènes automobiles franchement secouées, à l’ancienne, avec image cradingue et carrosserie qui crisse. Toutefois, comme le reste, elle se calera rapidement sur des normes déjà vues et sans imagination – ici, la mode du shaky cam amorcée par Paul Greengrass avec la trilogie Jason Bourne. Plus précisément, Sécurité rapprochée suit la pente parano et survitaminée du Tony Scott dernière période (Déjà vu, Ennemi d’État) : montage épileptique, filtres jaunes verdâtres de rigueur, personnages politicards corrompus, Denzel Washington au casting... On s’étonnera même de ne pas voir le réalisateur d’Unstoppable aux commandes de la production, tant le film d’Espinosa sent la copie conforme à tous les étages. Pour autant, nul besoin de jeter l’anathème sur Safe House : dans son domaine, il reste un spectacle de plutôt bonne facture qui devrait ravir les amateurs de série B. A condition qu’ils ne soient pas trop fatigués, ou qu’ils aiment qu’on leur raconte toujours la même histoire.
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.