Secret d’état - la critique du film

Un thriller politique avenant qui sème un peu plus le trouble quant à la mission des reporters au coeur d’une institution étatique gangrenée.

L’argument : Une vérité incroyable se dessine : les rebelles du Nicaragua travailleraient directement avec la CIA pour introduire de la cocaïne aux Etats-Unis et l’argent résultant de ce trafic servirait à armer les milices des Contras que veulent soutenir les Etats-Unis. Pour faire exploser la vérité, Webb prend tous les risques et se rend au Nicaragua afin de soutirer des informations essentielles au baron de la drogue Norwin Meneses. Il écrit bientôt une série d’articles qui secoue l’Amérique tout entière…
Webb devient alors une cible pour les journalistes rivaux mais aussi pour les responsables du trafic : un véritable complot se trame contre lui…

Notre avis : Michael Cuesta, à qui l’on doit le drame bouleversant 12 and Holding, collabore pour la deuxième fois avec le comédien Jeremy Renner, déjà présent dans cette production indépendante que n’aurait pas reniée Todd Solontz dans ses grandes heures.
L’acteur est également producteur de Kill the messenger, l’histoire vraie d’un reporter, au San Jose Mercury News, qui a fait l’objet d’une campagne de diffamation pour avoir dénoncé le soutien apporté par la CIA aux "Contras" (groupes de lutte armée au gouvernement sandiniste du Nicaragua). Le projet tenait visiblement à cœur au comédien qui s’éloigne pour l’occasion du cinéma d’action traditionnel auquel il s’était habitué ces dernières années (Mission : Impossible Protocole Fantôme, Jason Bourne : l’héritage, Avengers).
Secret d’état est une oeuvre à la portée politique, sociale et médiatique, qui s’inscrit dans une veine d’investigation chère à Hollywood, avec un contexte géopolitique toujours haletant. L’histoire originelle est celle du journaliste Gary Webb, retrouvé mort de deux balles dans la tête en 2004 et dont le décès fut attribué à un suicide...

© Metropolitan Film Export
Dans une volonté de déboulonner les idées reçues, le réalisateur dénonce à tout va : l’implication de certains politiciens dans des histoires douteuses, la politique de santé publique sacrifiée au profit de l’international, la réaction des médias dits responsables, capables de dérapages voyous, la déchéance de la communauté afro-américaine victime collatérale des dégâts occasionnés par la drogue...
Le point de vue du reporter est ici mis au premier plan, avec l’impact stressant et haletant pour le spectateur, que peut avoir ses investigations sur sa vie professionnelle et familiale (à juste titre puisque le scénario s’inspire largement de livres le concernant) et c’est peut-être aussi là où le bât blesse.
Paradoxalement, les moments d’intimité sont autant de digressions dans l’enquête qui font baisser la pression que de moments psychologiques consistants pour mieux comprendre Gary Webb, dont le cinéaste prend le temps de peindre l’arrière-plan familial comme pour mieux distinguer les motivations du journaliste que l’on suivra jusqu’à sa chute.
Le parti pris est légitime, mais n’accentue ni l’émotion ni l’empathie que l’on peut avoir à l’égard du protagoniste. Un montage un peu plus resserré aurait certainement été bénéfique au film, qui n’en demeure pas moins instructif et inspiré, dans son scénario, et solide dans son interprétation.
Sa dénonciation politico-médiatique rend le propos captivant et donne même froid dans le dos, alors que la destinée de cet homme nommé courage, au nom de la vérité, le mène au final droit dans le mur.