Liberta !
Le 7 septembre 2023
Une œuvre phare du cinéma politique des années 1970, qui résonne comme un cri d’alarme contre tous les totalitarismes.
- Réalisateur : Giulano Montaldo
- Acteurs : Gian Maria Volonté, Claude Mann, Cyril Cusack, Marisa Fabbri, William Prince, Riccardo Cucciolla, Geoffrey Keen, Milo O’Shea
- Genre : Drame, Historique, Politique, Film de procès, Drame historique, Film culte
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 2h00mn
- Reprise: 6 août 2014
- Titre original : Sacco e Vanzetti
- Date de sortie : 26 mai 1971
- Festival : Festival de Cannes 1971
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Résumé : New York, 1920. Deux Italiens, Nicolas Sacco, cordonnier, et Bartolomeo Vanzetti, marchand de poissons anarchiste, sont arrêtés et accusés du meurtre de deux hommes commis au cours d’un hold-up. Fred Moore, leur avocat, démontre leur innocence, mais le procureur et le juge développent une argumentation imprégnée de xénophobie et de paranoïa anti-bolchevique. Le jury condamne à mort les deux Italiens.
Critique : Matière à controverse à sa sortie, Sacco et Vanzetti, dans la lignée de Z de Costa Gavras, fait partie de ces films culte qui ont marqué l’arrivée au cinéma d’un courant devenu emblématique des années 1970 : le réalisme politique. Une œuvre puissante et galvanisante qui suit avec minutie le déroulement de l’affaire, indigne sans pour autant forcer le trait et interroge en profondeur les rapports étroits entre justice et pouvoir dans une Amérique socialement minée et ultra-sécuritaire en proie à la xénophobie et gouvernée par la peur.
La justice au service du pouvoir dans une Amérique au climat politique et social instable : voilà la thèse de départ de Sacco et Vanzetti, monument à la mémoire de deux hommes devenus exceptionnels par la force de leur conviction, qui prend très vite des allures de fable universelle contre l’intolérance. Si la lumière sur la culpabilité de Sacco et Vanzetti n’a jamais été faite, il est clair que leur procès fut un véritable simulacre de justice dont le verdict avait été fixé à l’avance par des juges peu scrupuleux de la procédure. Dans un climat de paranoïa générale annonçant avant l’heure le futur maccarthysme -surnommé par les historiens la première « peur rouge »-, tous les opposants à l’ordre établi se voient progressivement muselés. Les anarchistes, figures assimilées dans la pensée populaire et étatique de l’époque au terrorisme et au chaos et revendiquant un certain nombre d’attentats, figurent en tête de liste. Sacco et Vanzetti sont arrêtés et c’est le début d’un calvaire long de sept ans qui ébranlera toute l’Amérique et cristallisera les tensions internes. Si la première partie (le procès en lui-même) met du temps à démarrer, la réalisation de Guiliano Montaldo restant un peu trop classique -outre l’utilisation de fausses images d’archives noir et blanc qui font lumière sur les grandes manifestations de 1920 et un léger abus de flash-back au ralenti à la Leone-, le réalisateur parvient à restituer l’ambiance étouffante du procès et captive l’attention du spectateur grâce au soin apporté aux détails. L’aspect parfois un peu trop clinique de l’œuvre et son manque d’explications claires sur certains éléments vites passés en revue ont tendance à désorienter le spectateur, mais Montaldo se sert de ce flou pour mieux servir son propos, soit réfuter la légitimité de l’accusation en l’absence de preuves tangibles. Ce qui l’intéresse davantage, ce sont les notions même de liberté et de justice, qui, une fois bafouées, relèguent l’homme à l’état de bête errante. Sans pathos excessif, en quelques gros plans qui font sens, Montaldo montre la déchéance psychique et morale de ses personnages esseulés devenus malgré eux des symboles, symboles d’une résistance contre toutes les formes d’injustice, symboles de toute une frange de la population refusant l’asservissement de l’homme par l’homme, symboles aussi d’une liberté qui ne devrait être enlevée à aucun homme : celle de vivre.
- Riccardo Cucciola & Gian Maria Volonté
- © 1971 Unidis, Jolly Film, Théâtre Le Rex. Tous droits réservés.
Cette chaise électrique, guillotine moderne dont le couperet arbitraire annihile froidement les derniers espoirs, n’est que le dernier maillon d’une chaîne infernale où la justice est devenue le bourreau. Mais l’homme se bat pour survivre, et ses idées survivront malgré son effacement de la surface de la terre, la tête dans un sac et les yeux déjà nimbées d’une nuit éternelle. Braveheart le libertaire disait : « Tous les hommes meurent un jour, mais peu parmi eux vivent vraiment. » Sacco et Vanzetti ont vécu la fin de leur vie en martyres, et sont des exemples à ne pas oublier si l’on ne veut sombrer dans le totalitarisme et la barbarie. Dépeints avec une très grande pudeur, sans héroïsme, les deux amis (la complicité entre Gian Maria Volonté et Riccardo Cucciola, incroyables, se passe de mots) s’aiment fraternellement, s’épaulent l’un l’autre en échangeant seulement un regard ou un cri de détresse, et restent dignes dans l’épreuve, jusqu’au bout. À travers cette fable, cette « balade de Sacco et Vanzetti » -immortalisée par Joan Baez et Ennio Morricone- jusqu’à leur renaissance en tant que symboles d’une parole irréductible pour tous les opprimés de cette terre, Montaldo nous met en garde contre la folie des hommes et leur soif de pouvoir. Même si la liberté d’être libre et de faire valoir ses convictions n’est plus assurée, l’homme trouvera toujours un chemin grâce à l’éternité de sa parole. Ce que vise le film, c’est non de déterminer l’innocence réelle de Sacco et Vanzetti, mais bien de marquer la violence avec laquelle on les a réduit au silence en les empêchant de réellement se défendre, bafouant ainsi leur droit le plus élémentaire. Quand la politique se mêle de justice et que les intérêts d’un groupe prédominent sur ceux des autres jusqu’à l’écrasement, il n’y a plus d’égalité possible. Leur salut, Sacco et Vanzetti l’ont trouvé dans la mort, avant d’être finalement réhabilités en 1977. Leur chant résonne toujours dans nos cœurs, écho aux paroles de Vanzetti au juge Thayer :
« Here’s to you Nicola and Bart
Rest forever here in our hearts
The last and final moment is yours
That agony is your triumph. »
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