Le 25 février 2016
- Scénariste : Boix>
- Dessinateur : Boix
- Genre : Drame
- Editeur : MOSQUITO
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er février 2016
Robny clochard raconte les errances de Robny, un vagabond rattrapé sans cesse par le monde qu’il veut fuir !
Résumé :
Robny est un vieil homme, sans domicile fixe, qui erre dans les rues à la recherche de petits boulots lui permettant de survivre. A travers plusieurs mésaventures, on découvrira certes sa personnalité, mais aussi et surtout son passé et ce qui l’a plongé dans cette fuite éperdue de la société. Mais malheureusement pour Robny, cette société ne semble pas décidé à le laisser tranquille. Et si les souvenirs surgissent au hasard des lieux et des rencontres, les ennuis aussi...
Notre avis :
Robny, à travers huit courtes histoires, ou plutôt, à travers sept histoires et une conclusion, nous emmène dans son univers.
Vagabond errant à travers le monde, on le retrouve en Amérique ou en Europe, à New York ou à Paris. Robny a abandonné ce monde mais il n’arrive pas complètement à s’en défaire. Il fuit ses souvenirs, fuit la société qui le dégoûte mais il y revient toujours, pour un travail, pour un ami ou encore contre son gré.
Le personnage créé par Joan Boix est ambigu. Il erre sans oser couper les dernières attaches qui le lient au monde qui le répugne. Et ce dégoût ira en augmentant au fur et à mesure des aventures. De même que le personnage évoluera dans sa participation au récit.
Robny est au départ un protagoniste original car l’histoire se déroule autour de lui, sans qu’il y puisse vraiment quelque chose, à part être témoin. Mais dans les récits suivants, il passera de témoin à victime, de victime à enquêteur, voire même d’enquêteur à justicier. Robny, finalement et même paradoxalement, retrouve sa place dans le récit, par rapport aux canons de la dramaturgie classique, en tant que héros malgré lui mais ne parvient pas à se trouver une place dans ou même en dehors de la société.
Est-ce donc ce souvenir qui le hante qui l’empêche de couper définitivement les ponts en partant vivre loin des hommes, de devenir ermite vivant au jour le jour, au rythme des saisons ? L’auteur de garde bien de répondre.
En effet, Robny ne se rend pas compte que la ville et même les villes qu’il parcourt, ne lui apportent rien de bon. D’ailleurs, souvent, quand il conclut un récit, il s’éloigne des lieux du drame. Il repart toujours vers des décors plus naturels que l’ambiance urbaine qu’il quitte. Le problème de Robny, c’est la société. Il retrouve la paix quand il part rejoindre la nature. Mais le besoin d’argent, pour manger, même s’il s’en défend, le ramène au monde des hommes.
Physiquement, il est marqué, les rides creusent son visage, ses vêtements déchirés, abîmés, toujours les mêmes, marquent son statut de déclassé. Et ce jusqu’à un extrême presque comique ; car quel que soit le petit job qu’il prenne, livreur de cadeaux de Noël, employé de bijouterie ou encore nourrisseur d’animaux de cirque, Robny garde sa même tenue. Il touche à tout mais conserve cette identité du vagabond à laquelle il s’accroche, et il la montre sans honte car elle représente son choix. Mais un choix que, par son comportement, il semble ne pas parvenir à assumer.
Si Robny évolue et se rapproche du monde par les décisions qu’il prend, même si ces dernières lui sont imposées par les situations et les rencontres qu’il fait, le monde autour de lui reste le même. Le mal semble y avoir pris racine et absorber tout ce qui l’entoure, petit à petit, comme une gangrène. Les amis sont corrompus, ceux qui devraient aider semblent gagnés par la folie, la jalousie, la haine. Parfois, pourtant, une âme bienveillante se penche sur lui, mais il s’agit toujours ou de se faire pardonner, ou de satisfaire un intérêt personnel.
Et tout d’un coup, les histoires, simples de prime abord, deviennent plus complexes qu’elles en ont l’air. Notre regret est la septième nouvelle qui fonctionne beaucoup sur des flashbacks, que l’on a déjà vu – pour certains d’entre eux – dans les récits précédents, ce qui gâche un peu la fluidité de la lecture. Mais cela est probablement dû à l’édition originale de Robny. En effet, les histoires de Robny clochard datent de 1976 et furent éditées en magazine, en Italie pour certaines d’entre elles. Il était donc normal pour celui qui n’avait pas les numéros plus anciens de faire un rappel des événements précédents.
Mais cette septième histoire, donc, est aussi celle qui porte le coup de grâce à notre vagabond. Après cette mésaventure, il ne semble plus possible qu’il continue ses errances et la nouvelle ne se finit par sur Robny s’éloignant vers la nature, mais sur nous, lecteur, qui le regardons, de loin, assis, perdu, défait.
Boix a parfaitement compris l’importance de ce septième récit puisqu’il enchaîne sur la conclusion...
Du point de vue graphique, Boix, auteur et dessinateur des déboires de Robny, a opté pour un trait réaliste. Quand vous regardez Robny droit dans les yeux, vous avez la ferme impression de le connaître, de l’avoir déjà croisé, dans votre quartier, errant en vain, son chapeau sans forme vissé sur la tête.
Ce trait réaliste se marque d’une forme d’étrangeté imposée par le choix du noir et blanc. Il ne s’agit pas d’un noir et blanc net et tranché, comme on a pu le voir ailleurs. Au contraire, les deux couleurs – si nous pouvons les appeler ainsi – se mêlent de manière visible et de ce mélange naissent les visages, les regards, les silhouettes. Mais elles se tranchent aussi de façon inhabituelle. En effet, une ombre blanche peut apparaître au cœur d’une image, des cases se relient parfois par des bandeaux noir raturés de stries blanches désordonnées, c’est l’amalgame des traits, des rayures, qui semblent dissoudre l’image avant qu’elle n’arrive à nos yeux.
De plus, le réalisme se retrouve exagéré dans les décors. Rien n’est droit dans les villes que traverse Robny, tout suinte, se délite, les briques des murs mal agencées, les sols couverts d’une matière non identifiable, les arbres morts dans les maisons d’accueil, tout est source de malaise, représentant bien le dégoût du vagabond.
Et parfois, dans les cadrages, tout semble tanguer trop fortement, une contre-plongée inattendue bouscule le rythme visuel du récit, la noirceur de la nuit qui ne se différencie plus du jour, des contre-jours avec vue sur des nuages lourds non pas de pluie, mais d’angoisse.
Il est dans Robny clochard une certaine forme d’expressionnisme dont Boix joue avec parcimonie, mas de manière efficace.
La composition des planches n’est jamais régulière. Grandes cases, dessin demi-page, vignettes se chevauchant, Boix utilise toute la grammaire du neuvième art pour créer une forme de chaos discret qui renforce l’ambiance générale. Ce chaos qui règne dans la tête de Robny, qui n’arrive pas à trancher ses liens d’avec la société, même si lui-même pense l’avoir fait !
Robny clochard est donc l’occasion de faire une curieuse rencontre, celle d’un homme entre deux mondes, un vagabond qui se fuit lui-même plus qu’il ne fuit les autres, une personne juste dans son cœur, qui décide de passer à l’acte, une victime égarée qui ne parvient pas à échapper au souvenir de son malheur.
Zéda rencontre Robny...
101p - 16€
ISBN : 978-2-35283-300-0
Galerie photos
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