Rhum Express - la critique

Dix-huit ans après Jennifer 8, Bruce Robinson revient à la réalisation avec Rhum Express, adapté d’une nouvelle de Hunter S. Thompson. Un retour plus que mitigé...

L’argument : Lassé de sa vie new-yorkaise, Paul Kemp s’expatrie sur l’île paradisiaque de Porto Rico. Très vite, il adopte le rythme de la vie locale, fait de douceur de vivre et de beaucoup de rhum… Paul est engagé par un modeste journal local, le San Juan Star, dirigé par Lotterman. Il tombe aussi sous le charme de la très belle Chenault, une jeune femme fiancée à Sanderson, un homme d’affaires mouillé dans des contrats immobiliers douteux. Sanderson fait partie du nombre croissant d’entrepreneurs américains bien décidés à transformer la magnifique île en un paradis capitaliste réservé aux riches. Lorsque Kemp est engagé par Sanderson pour écrire un article élogieux sur son dernier plan véreux, il se retrouve face à un vrai choix : soit il met sa plume au service de cet homme d’affaires corrompu, soit il dénonce tout et révèle les trafics sordides. Sur l’île et ailleurs, son choix va faire des vagues…

Notre avis : Il n’y a rien de plus irritant que de voir un film courir après un autre. Adapté d’une autre nouvelle de Hunter S. Thompson, Rhum Express fait immanquablement penser à Las Vegas Parano de Terry Gilliam. Paul Kemp représente ainsi l’image du reporter Gonzo. Ivre de rhum, les yeux injectés de sang, il s’expatrie sur l’île de Porto Rico et atterrit dans un petit journal local, où il s’occupe de la rubrique horoscope.
Après une mise en place peu inspirée, l’histoire débute réellement lorsque Kemp est engagé par Sanderson (Aaron Eckhart) pour écrire un article vantant les mérites de son projet, lequel consiste à construire un complexe hôtelier pour les riches. Sur le fond, la critique anticapitaliste du film s’avère tout à fait louable. De même, on apprécie la reconstitution du Porto Rico des années 60 alors en pleine époque charnière (l’utilisation du 16mm laisse toutefois sceptique). Hélas, Rhum Express n’en fait pas grand-chose et préfère davantage mettre en avant son intrigue de polar (à deux balles), baignée dans l’alcool, à laquelle il injecte une vague romance sans intérêt. Mais pour un film aussi imbibé, l’ivresse ne prend pourtant jamais.

Tout sonne faux dans Rhum Express. Tout paraît appuyé, surligné. Johnny Depp cabotine à mort et ses dérives alcooliques ennuient rapidement, au moins autant que les fumettes de Délire Express de David Gordon Green (le titre français tente-t-il d’y faire allusion ?). Dans Las Vegas Parano, on se souvient que le jeu des deux acteurs se montrait si réaliste qu’on se demandait si sur le tournage ils n’avaient pas réellement abusé de substances illicites (et le seul fait de se poser la question rendait déjà le film intéressant). Ici, on ne se pose jamais la question tant les protagonistes ressemblent à des caricatures de personnages bourrés. Et puis, Bruce Robinson, qui n’avait plus dirigé depuis l’honnête Jennifer 8, ne parvient jamais à captiver son spectateur, encore moins à l’impliquer dans le dilemme de son personnage principal (dont on ne ressent d’ailleurs jamais réellement les tourments intérieurs). Même l’histoire d’amour s’avère ratée, forcée, inutile. Interminable, Rhum Express ennuie. Surtout lorsqu’il ne peut s’empêcher de lorgner du côté de Las Vegas Parano (la séquence d’hallucination). Seule la relation entre les deux journalistes parvient tant bien que mal à maintenir un semblant d’intérêt. Mais le constat d’échec sur lequel se clôt le récit (cette sensation que tout était perdu d’avance) s’applique malheureusement au long-métrage, qui hésite entre le pur délire et le film d’aventures. Rhum Express échoue finalement sur les deux tableaux.