Une éducation
Le 28 septembre 2014
L’Oscar du meilleur film étranger 2011 ! Si bien que cela ? "Les effets pervers de la vengeance" pour les nuls ? Mieux que ça, le récit sensible d’une éducation. Malheureusement, le retour de Susanne Bier est alourdi par quelques errances stylistiques.
- Réalisateur : Susanne Bier
- Acteurs : Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Kim Bodnia, Mikael Persbrandt, William Jøhnk Nielsen, Markus Rygaard, Bodil Jorgensen
- Genre : Drame
- Nationalité : Danois
- Distributeur : Equation
- Durée : 1h53mn
- Titre original : Hævnen
- Date de sortie : 16 mars 2011
Résumé : Anton est médecin. Il partage son existence entre son foyer installé dans une ville paisible du Danemark, et son travail au sein d’un camp de réfugiés en Afrique. Il est séparé de son épouse, Marianne, et tous deux songent à divorcer. Leur fils aîné, Elias, âgé d’une dizaine d’années, se fait brutaliser à l’école par certains de ses camarades, jusqu’au jour où un autre garçon, Christian, décide de prendre sa défense. Ayant quitté Londres avec son père pour s’installer au Danemark, Christian est profondément marqué par le décès récent de sa mère, terrassée par un cancer. Des liens étroits se tissent bientôt entre les deux camarades. Mais quand Christian implique Elias dans un acte de vengeance particulièrement risqué où des vies humaines sont en jeu, leur amitié s’en trouve durement éprouvée. Dans des mondes que tout oppose, ces enfants et leur famille seront appelés à faire des choix difficiles.
Critique : Après les remarqués Open Hearts et Brothers, après un rapide détour par Hollywood en compagnie de Benicio Del Toro (Nos souvenirs brûlés), Susanne Bier revient au Danemark mais semble toujours plus s’éloigner des règles du "Dogme". La réalisatrice confirme son goût pour les tragédies humaines avec Revenge, honnête mélodrame qui nous donne exactement ce qu’on attend - pas plus, mais pas moins non plus. Soit les récits croisés de deux familles marquées par le deuil, l’échec amoureux, les revers de la vie, qui apprendront à se reconstruire ensemble, non sans quelques obstacles. Le prisme choisi par Susanne Bier et son scénariste Anders Thomas Jensen change légèrement la donne, puisque la plupart de l’action sera contée du point de vue des enfants, Christian et Elias, jeunes pousses trop précoces pour affronter ce qui leur arrive. Leurs réactions sont antagonistes (l’un se durcit jusqu’à la violence, l’autre se referme comme une huître au point de devenir le souffre-douleur de son école), mais leur expérience commune leur permettra de s’apprivoiser l’un l’autre et d’engager une amitié à toute épreuve.
On souffle un peu, soulagé : si le titre, assez primaire et idiot, pouvait promettre un scénario bateau ponctué d’une morale déjà vue (en gros : la vengeance n’apporte rien, préférez le pardon), Susanne Bier déplace les enjeux en les focalisant sur la question de l’éducation... et de ses difficultés. Comment faire comprendre à son enfant les failles de la loi du talion et les bénéfices du pardon, surtout quand cet enfant a besoin de décharger sa sourde colère ? Lorsqu’Anton, le père d’Elias (interprété par le charismatique Mikael Persbrandt) se fait humilier publiquement, préférant à la violence une saine indifférence envers la bêtise, son ami commence à fomenter un plan de vengeance à haut risque, dont on se doute bien qu’il tournera mal ; mais le personnage aura appris de ses erreurs. Et comment protéger son fils de l’influence néfaste d’un camarade, alors que ce dernier le sort justement d’une solitude destructrice ? Par ricochet, face à l’échec de leur éducation, les adultes auront à se remettre en question (aveuglement ? égoïsme ? Laxisme ?) en subissant les influences jusque dans leur vie quotidienne : ainsi d’Anton, médecin en Afrique confronté à la décision la plus difficile de sa vie (n’en disons pas plus pour ne pas déflorer l’intrigue), qui hésitera entre le devoir professionnel, le devoir moral et le courage d’un homme accompli.
Susanne Bier se garde bien de juger qui que ce soit (et on l’en remercie), portant sur tous ses personnages un même regard à juste distance. Elle a pour points forts un scénario solide naviguant entre Londres, le Danemark et le continent africain, dans un aller-retour géographique qui n’est pas sans rappeler Iñárritu - par ailleurs son concurrent cette année aux Oscars : Biutiful et Revenge (bizarrement rebaptisé In a Better World pour l’exploitation anglaise) s’affrontent dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. Son long métrage reprend malheureusement beaucoup des tics du cinéaste mexicain, sans en garder forcément les qualités. La partie africaine, ensevelie dans une mare de lieux communs et d’images clichés (les gamins courant après la jeep, la plus symptomatique), est un peu embarrassée par une musique mélodramatique complètement impersonnelle (et pour tout dire, hollywoodienne) et quelques effets appuyés, au premier rang desquels un usage excessif du zoom, comme dans le plus vitaminé des reportages de guerre (exercice plutôt vain qui trouve rapidement ses limites). Le segment danois, plus sobre, met en exergue les dilemmes de ses personnages avec finesse, dans un lot de situations explosives à désamorcer - tout le jeu autour du couteau de Christian, notamment, est bien vu.
Point gagnant du genre mélodramatique : Bier a visiblement le don et l’amour des acteurs, et a convoqué pour ce faire tout le gratin du cinéma nordique. Rayon vedettes locales, il ne manque plus que Madds Mikelsen, comédien que Bier a d’ailleurs dirigé précédemment dans Open Hearts et After the Wedding. Ils sont tous impeccables : Mikael Persbrandt d’abord, star en Suède, gueule d’ange cabossée aux fêlures touchantes, mais aussi Trine Dyrholm et Ulrich Thomsen, tous les deux aperçus dans un must du cinéma danois, l’emblématique Festen de Thomas Vinterberg. Sûre de sa science bien acquise, la cinéaste marque indéniablement des points dans la direction des enfants, en particulier de William Jøhnk Nielsen, pré-ado au regard dur, exprimant à merveille la douleur d’une maturité acquise trop précocement. Malgré un final s’étirant en longueur, Revenge touche et doit beaucoup à ses jeunes acteurs, qui sauvent le film de l’anecdotique le guettant.
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roger w 4 avril 2011
Revenge - Susanne Bier - critique
Un coup de poing à l’estomac. Fort, très bien tourné et doté d’une puissante réflexion sur la violence, Revenge est un petit bijou. A ne pas louper.
tedsifflera3fois 2 juillet 2011
Revenge - Susanne Bier - critique
Ma critique de Revenge :
[url]http://tedsifflera3fois.com/2011/07/02/revenge-critique/[/url]
Voir en ligne : http://tedsifflera3fois.com