Le 11 avril 2016
- Plus d'informations : http://www.bd-aix.com/
Du 1er au 3 avril 2016, la bande dessinée s’est faufilée dans les rues d’Aix-en-Provence. Si le cœur du week-end BD des Rencontres du 9e art se tenait à la Cité du Livre, de nombreuses expositions invitaient à sillonner la ville, et ce jusqu’au 21 mai.
Tout en gratuité, ce festival a offert, comme à son habitude, un programme hétéroclite, à l’image des possibles envisagés par les arts graphiques. Le tout dans une ambiance on ne peut plus chaleureuse, privilégiant la simplicité des rencontres avec les auteurs et leurs créations. Sur le plateau du café BD de la Cité du Livre, de passionnantes discussions ont ainsi ponctué les trois jours, en présence d’une quinzaine d’auteurs (Willem, Brecht Evens, Olivier Schrauwen, Florence Dupré La Tour, Nylso, Zeina Abirached…). Les échanges informels auteur d’un crayon ou d’un verre foisonnaient dans les espaces de dédicaces, le bar avoisinant ou sa terrasse. De la convivialité donc, ainsi qu’une exigence artistique, questionnant notamment les territoires du 9ème art.
Dans la diversité de l’offre du festival, (expositions de Léo Quiévreux, Guillaumit, Arnaud Lumeau, Nylso…) qui cherche volontairement à mettre en valeur les dialogues existants entre la bande dessinée et « les autres arts associés », certaines approches ont particulièrement retenu notre attention.
La maison des couleurs de Brecht Evens
L’exposition attendue de Brecht Evens - auteur du sublime Panthère, chez Actes Sud - bien que quelque peu décevante, a le mérite d’expérimenter une mise en espace singulière. Peintre de la couleur, de la lumière, de la transparence et ses effets architecturaux, l’auteur flamand a aménagé cette exposition rétrospective sous la forme d’une cabane longiligne, composée de pièces se distinguant chacune par la teinte de leurs murs. Bleu pour Les Noceurs (2010), vert pour Les Amateurs (2011), jaune pour Panthère (2014), et blanc pour Les Rigoles, en cours de création. Le parcours appelle à en contempler les planches originales, ainsi que des caissons lumineux dont les motifs noirs et colorés apparaissent en ombres chinoises, et s’associent à chacun des opus. Si le principe de l’original reste somme toute assez classique, la scénographie tente cependant de donner corps aux techniques graphiques remarquables du dessinateur.
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Melvile, œuvre de passages
Romain Renard, auteur des Melvile, publiés chez Le Lombard, musicien et scénographe, aménage des passages d’un art à un autre, tissant progressivement une œuvre composite. S’il nous invitait dans son dernier ouvrage à accompagner notre lecture d’une bande originale, ainsi qu’à en découvrir les compléments virtuels et participatifs, c’est ici une performance complète, habitée et hybride qu’il met en scène. Initiés il y a quelques années à Angoulême, les concerts du dessinateur bruxellois ont désormais trouvé la voie de leur puissance. Au son, se relaient le blues méditatif de son chant accompagné de deux guitares, une voix narrative à la gravité enveloppante, des silences, le bruit de la pluie sur un toit de tôle… Ambiance magnétique, sensuelle, nourrissant la mélancolie des images qui défilent à l’écran. Les gouttières de papier supprimées, les cases glissent de droite à gauche, se fondent l’une en l’autre, se voilent. Les images dessinées devenues film, reste l’écran comme dernier cadre ; le récit graphique est éclaté, notre rythme de lecture guidé, au gré d’une lenteur contemplative. On pense à Dead Man de Jarmush… Demeurent les paysages et personnages de Melvile, dont on retrouve les solitudes, les lumières tranchant les obscurités, les mystères s’abreuvant des quotidiens.
Frandisco : la ville en expansion
Dans une grande salle de la Fondation Vasarely, s’étend une ville miniature, délicatement illuminée, évoquant des images de l’enfance. De scotch et de carton, Frandisco se compose d’immeubles aux fenêtres grossièrement dessinées, d’église-tunnel, de piscines, et de petits personnages en habitant l’espace. Construction fascinante d’un art naïf maitrisé, elle s’avère, en outre, être le cœur d’un passionnant projet, attesté par les planches de Thierry Van Hasselt qui l’encerclent. Le fondateur des éditions du Frémok, et Marcel Schmitz, « anarchitecte » se sont tout deux rencontrés par le biais de l’Atelier S, mis en place par Anne-Françoise Rouche dans une ancienne caserne militaire des Ardennes belge. Le projet favorise des collaborations entre artistes déficients mentaux et artistes contemporains. C’est au contact de dessinateurs que Marcel Schmitz, atteint de trisomie, apprend la notion de perspective, et se met à bâtir ses constructions. Thierry Van Hasselt découvre avec enthousiasme son travail en 2007 et décide de suivre en bande dessinée le développement de Frandisco. Si les premiers dessins sont ceux d’une simple observation, les progressives discussions avec Marcel, lui narrant les scènes vécues ou imaginées qui donnent chair à ces édifices, font naitre des personnages de papier. Marcel lui-même évolue dès lors dans ce récit en noir et blanc, au trait fin, dont les traces de correcteurs blancs attestent des faux pas. Mais le processus ne s’arrête pas là : lors de leurs déplacements liés à celui de l’exposition, le maitre d’œuvre pénètre un monde qui lui était inconnu, celui d’hôtels, de restaurants, de villes étrangères. Son projet s’abreuve ainsi de ces expériences, et la ville poursuit son expansion. Une pizzeria était au cours du vernissage en élaboration… Le livre Vivre à Frandisco, sorti à l’occasion du festival, se trouve donc inclus dans un processus mouvant, circulation de matières, d’énonciations multiples, en dialogues les unes avec les autres, et produisant une variété d’espaces qui dépassent amplement le cadre d’une page.
Huile et Ferraille
Dans un tout autre registre, l’exposition « Un Monde Méroll » artistiquement dirigée par Winschluss, poursuit sa délirante satire de l’industrie agro-alimentaire. Du personnage d’Edouard-Michel Méroll (/ Leclerc..), né dans les pages de la revue Ferraille Illustré, et actionnaire majoritaire du groupe Ferraille Publication, se déploie depuis une bonne dizaine d’année l’univers parodique du magnat de « l’huile pour friture et moteur ». Sans complexe aucun, l’exposition laisse planer le doute sur la réelle existence de ce M. Méroll, et nous fait déambuler dans l’omnipotence de la marque rouge et jaune banane, le marketing plastifié, et l’apologie du dégueulasse. De bon goût bien sûr, le film de Winschluss, Il était une fois l’huile, documente l’histoire de l’usine Méroll. C’est drôle et décapant. Et l’on ne se pose plus la question d’une quelconque bande dessinée, pourtant source nourricière de ces installations : les territoires ont été radicalement déplacés.
Galerie Photos
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