Le 30 mars 2016
Le nouveau long-métrage d’Atom Egoyan jongle entre provocations gratuites et idées intrigantes...
- Réalisateur : Atom Egoyan
- Acteurs : Martin Landau, Christopher Plummer
- Genre : Thriller
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 23 mars 2016
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À mesure que le temps passe, la renommée du cinéaste canadien Atom Egoyan s’évanouit ; tel est le mal qui s’abat sur ces créateurs (jadis) prolifiques qui s’évertuent à explorer, encore et encore, les mêmes thématiques. Captives, son précédent film, avait fortement divisé la critique… Doit-on pour autant fuir son nouveau long-métrage ?
L’argument : Remember narre l’histoire de Zev (Christopher Plummer), un homme d’un âge vénérable souffrant de démence sénile. Zev a perdu son épouse, Ruth, il y a peu, et peine à s’en souvenir. Alors que sa mémoire ne cesse de faiblir, Max (Martin Landau), un pensionnaire de la maison de retraite dans laquelle il réside, lui rappelle la promesse qu’il s’était faite : traquer l’homme responsable du massacre de sa famille à Auschwitz… L’ancien nazi vit en Amérique du nord sous l’identité de Rudy Kurlander et a trois homonymes aussi âgés que lui. Avec le soutien logistique de Max (et une lettre comportant différentes instructions au cas où sa mémoire défaillirait encore), Zev partira donc à la recherche de celui qui a tué les siens… 70 ans après la mort de ces derniers.
Notre avis : Si Atom Egoyan écrit et réalise depuis plus de 30 ans, il adapte ici le premier script de Benjamin August, récipiendaire (a posteriori) du Canadian Screen Award du meilleur scénario original. Il est indéniable que ledit scénario jouit de certaines qualités, la plus grande résidant dans la construction d’un jeu de miroir entre la mémoire fragile de Zev et le souvenir – de plus en plus lointain – de la Shoah ; l’homme rencontrant, au cours de ce revenge movie du troisième âge (idée intrigante s’il en est), plusieurs vieillards potentiellement coupables des pires atrocités. Ces quelques scènes suscitent un vague sentiment de malaise : comment fustiger des êtres profondément affaiblis par le temps ? Comment les assimiler aux bourreaux qu’ils ont été, maintenant qu’ils réduits à l’état de personnes percluses de douleurs, et à première vue inoffensives ? Le titre de l’œuvre, princièrement dyadique, prend ici tout son sens. Que de promesses, donc, pour le 15ème long-métrage du réalisateur d’Exotica. Pourtant…
Pourtant Remember est meurtri par une mise en scène virtuellement rudimentaire et grevée d’éléments aussi vulgaires que disparates. D’une part, la caméra capte la lenteur extrême des mouvements de Zev et parvient à accentuer sa vulnérabilité. Elle souligne avec maestria l’admirable expressivité du regard de Christopher Plummer, atout majeur du film offrant à son personnage, au-delà de l’écriture, toutes ses nuances. D’autre part, d’aucuns pourraient croire que l’épure stylistique pour laquelle opte Atom Egoyan est justifiée par la gravité de son sujet et la peur de sombrer dans les affres du bis - le long-métrage étant, faut-il le rappeler, un thriller exploitant les souffrances générées par la seconde guerre mondiale.
Difficile à croire.
Remember est pétri de balourdises : de l’emploi d’inserts sur des pommeaux de douche (adieu, subtilité) à son dénouement d’une vulgarité rare, en passant par l’apparition d’un policier antisémite (Dean Norris) splendidement caricatural (son berger allemand s’appelle Eva… adieu, subtilité bis). En résulte une œuvre curieuse, perdue entre la simplicité suprême de sa réalisation, la linéarité de sa trame, et la myriade de piques provocatrices parsemées dans le film. Noyez le tout dans la musique emphatique de Mychael Danna, et vous obtiendrez un long-métrage paradoxal : trop sage pour être subversif, et trop insolent pour être pris au sérieux… Cette dichotomie est peut-être, finalement, la caractéristique la plus intéressante de Remember.
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