Big Brother is watching you
Le 19 juin 2015
Un tourbillon de couleurs revendicatives et de sentiments qui témoigne de la plus belle facette de la comédie à l’italienne.


- Réalisateur : Matteo Garrone
- Acteurs : Claudia Gerini , Aniello Arena, Loredana Simioli, Nando Paone, Nunzia Schiano
- Genre : Comédie, Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h55mn
- Date de sortie : 3 octobre 2012
- Festival : Festival de Cannes 2012

L'a vu
Veut le voir
Résumé : L’argument : Au cœur de Naples, Luciano est un chef de famille hâbleur et joyeusement exubérant qui exerce ses talents de bonimenteur et de comique devant les clients de sa poissonnerie et sa nombreuse tribu. Un jour, poussé par ses enfants, il participe sans trop y croire au casting de la plus célèbre émission de télé-réalité italienne. Dès cet instant, sa vie entière bascule : plus rien ne compte désormais - ni sa famille, ni ses amis, ni son travail ni même la petite arnaque imaginée par son épouse, qui améliorait un peu leur ordinaire ! Le rêve de devenir une personnalité médiatique modifie radicalement son destin mais aussi celui de tout son entourage...
Critique : Tiré par quatre chevaux richement harnachés, le carrosse de jeunes mariés s’engage dans la rue conduisant au simili-palace où se tient la cérémonie. La caméra, aérienne, introduit Reality comme un conte de fées, rythmé par une mélopée ensorcelante et le son des sabots sur le pavé. Le chatoiement vulgaire des robes des demoiselles d’honneur, le maquillage outrancier de la jeune épouse, l’excitation bruyante des convives sont autant d’indices sur cette fable des classes populaires que Matteo Garrone s’apprête à délivrer.
Quatre ans après l’insigne Gomorra, le cinéaste remporte le Grand Prix du Festival de Cannes avec cette comédie dramatique en demi-teinte. A travers le portrait de Luciano, poissonnier napolitain (interprété par l’excellent Aniello Arena, qui purge actuellement une peine de prison conséquente) le réalisateur sonde l’inépuisable thème qu’est la quête de célébrité. Mais plus encore, Matteo Garrone explore les subtiles nuances de la déraison, et ce non sans faire un pied de nez à la télé-réalité et aux vices que cette dernière alimente.
Reality conte l’histoire d’un homme simple, issu d’un milieu modeste, dont l’équilibre psychologique est mis à mal par l’alléchante perspective de participer à la plus grande émission de télé-réalité transalpine : Grande Fratello. Une ambition gentillette qui se métamorphose à son insu en malsain fantasme et le transforme en forcené paranoïaque. La scène où l’on aperçoit Luciano, cloué à son fauteuil, les yeux rivés sur un grillon, un sourire fou aux lèvres, est magistrale. Sans qu’aucune explication ne soit nécessaire, le spectateur prend pleinement conscience de la démence du protagoniste principal, intimement convaincu qu’on a placé des caméras en forme d’insecte chez lui pour l’observer.
Reality est une œuvre néoréaliste directement issue de la lignée des grands maîtres du cinéma italien. C’est avant tout dans le casting que réside le vrai point fort du film. Les acteurs, amateurs pour la plupart, témoignent d’une présence, d’un naturel et d’une justesse admirable.
Au-delà des méfaits du petit écran cathodique, Reality s’attaque à la tradition religieuse de l’Italie, au monopole du bonheur par les nantis et même à la candeur fruste des plus humbles. Avec beaucoup de douceur et d’humanité, Matteo Garrone retranscrit l’essence des quartiers populaires et des personnages picaresques qui les peuplent.
Une belle comédie à l’italienne, incisive et percutante.