Le 16 novembre 2016
- Scénariste : Eric Stoffel
- Festival : Quai des Bulles 2016
- Date de sortie : 28 octobre 2016
Le cinéma ne cesse d’adapter romans, jeux vidéos, biographies depuis longtemps et, de manière plus conséquente de nos jours, les BD. Mais à côté de cela, la BD elle-même propose des adaptations de romans. C’est sur cette approche que s’est penché Quai des Bulles lors d’une rencontre avec Eric Stoffel, auteur de BD et adaptateur des oeuvres de Pagnol pour Bamboo et Grégoire Séguin, éditeur de la collection Ex-Libris pour Delcourt, animée par les membres de Babelio.
Tout démarre avec la présentation d’une étude que Babelio a réalisée auprès de sa communauté, soit trois cent soixante dix mille lecteurs environ. Environ trois mille huit cent ont répondu, soit un peu plus de un pour cent...
L’étude tournait autour de l’adaptation de livres en BD. En quelque slides et commentaires, nous avons appris entre autres les éléments suivants :
La moitié des lecteurs de Babelio lisent des adaptations de roman. Enfin, la moitié de ceux qui ont répondu au questionnaire...
Roman, BD, du pareil au même...
C’est grave, docteur ?
La fidélité, ça compte !
Qui l’aurait cru ?
Rêve de lecteurs...
On ne va pas tout vous raconter, passons donc à la conclusion !
Et voilà, la parole aux invités...
Puis sont intervenus, donc, les deux invités. Une rencontre intéressante car autant Eric Stoffel est un auteur parti de sa passion pour Marcel Pagnol, pour commencer à réaliser un rêve vieux de dix ans : adapter en BD l’œuvre intégrale du maître provençal ! Après des échanges avec la famille Pagnol, grâce à l’aide de Serge Scotto, le projet voit le jour quand Olivier Sulpice de Bamboo donne son accord pour l’intégralité, soit trente à quarante BD. Pari risqué pour tous mais quelle aventure se profile à l’horizon ! Stoffel cherche alors des dessinateurs passionnés de Pagnol, il refuse tous les fans de la dernière minute et c’est comme cela qu’il trouve Morgann, qui depuis des années, introduit ses BD par une phrase de Pagnol. On voit donc là le travail du passionné, qui cherche des passionnés.
Eric Stoffel au micro
A côté de lui, Grégoire Séguin, éditeur, a lancé Ex-Libris, une collection composée uniquement de BD adaptés de romans. L’objectif était d’apporter les classiques de la littérature à un public peu enthousiaste à l’idée d’ingurgiter les mille pages de Ulysse de Joyce, par exemple - et nous les comprenons - . Une des raisons de ce projet est qu’il y avait bien sûr un intérêt commercial. Mais Grégoire Séguin a vite constaté que son idée soulevait l’enthousiasme des auteurs. En effet, ceux-ci venaient le voir avec des idées de livres qu’ils avaient toujours rêvé d’adapter. Ce projet commercial allait donc également trouver un intérêt artistique. Tant et si bien que Grégoire Séguin décide de s’orienter avant tout vers des auteurs porteurs de projet. A l’image de Stéphane Heuet avec son adaptation de "Du côté de Chez Swann" de Proust.
Grégoire Séguin rappelle que Proust était réputé inadaptable et pourtant Stéphane Heuet a atteint son but. Bien sûr, il a fallu travailler en amont avec les exégètes de Proust, éviter de se faire descendre en flammes, à tel point que l’auteur a placé un lexique explicatif à la fin de son œuvre. Et cette adaptation atteint les soixante dix mille exemplaires.
Grégoire Séguin pense que le choix de la ligne claire a aidé ce succès, ligne claire en opposition à une ligne crade, pour laquelle il prend Joann Sfar comme exemple...
Grégoire Séguin, des classiques de l’écrit pour des classiques en BD ?
De son côté, Eric Stoffel travaille sur le quatrième titre de la série. Il rappelle que l’adaptation nécessite soit de rester fidèle à l’œuvre et au message de l’auteur, soit de réinterpréter un roman mais il considère important à ce moment de le préciser pour avertir le lecteur.
Pour sa part, il a constaté que les œuvres les plus difficiles à adapter de Pagnol sont ses pièces de théâtre. En effet, comment rendre des pages de dialogues en BD ? Certes, il avait une marge de liberté mais il devait aussi se tenir au texte. Un vrai grand écart que l’auteur a accompli au mieux. Sans doute soutenu par sa volonté de rendre hommage à un auteur qu’il adore.
En effet, il a fallu un an de discussion pour que le projet prenne forme et pour trouver comment adapter Pagnol, quelle ligne adopter et puis a commencé la recherche de l’éditeur et des auteurs. Il a fallu se confronter aux questions : de quelle manière adapter , qui cela va intéresser ? Comment faire ? Quelle fidélité ou non-fidélité à l’œuvre ?
Stoffel explique que Pagnol a voulu faire passer des idées en utilisant des références historiques. Mais ces références ne veulent plus rien dire pour le public d’aujourd’hui ou pire, elles deviennent un contre-sens. Il a fallu se détacher de cela et trouver comment parler de ces idées au public d’aujourd’hui, avec une BD d’époque. Un challenge complexe. Eric Stoffel a aussi eu recours à des notes explicatives parfois pour donner le sens de ses choix.
Pour la fidélité à l’œuvre, Grégoire Séguin reprend le cas de Heuet qui a utilisé des morceaux de la Recherche pour les mettre dans la bouche des personnages de sa BD. Séguin précise que tous les auteurs ne font pas cela.
Séguin évoque un autre problème : le droit d’auteur. En effet, les œuvres tombées dans le domaine public ne posent pas de problèmes, il faut alors respecter le droit moral. Mais pour les auteurs dont les œuvres ne sont pas tombées dans le domaine public, il faut négocier avec l’auteur voire aussi son éditeur. On trouve des cas de figures différents. Comme les ayant-droits de Tolkien qui refuse toute adaptation en BD, ou les coûts économiques trop élevés pour acheter le droit d’adapter Harry Potter. Car il faut préciser que Grégoire Séguin s’est rendu compte d’un phénomène auquel il ne s’attendait pas. Les auteurs viennent le voir avec des projets, mais beaucoup avec des classiques... du fantastique. Qui Mary Shelley avec son Frankenstein, qui Poe et sa maison Usher. Ce qui l’a fait réfléchir. Pouvait-on élargir les classiques de la littérature aux œuvres de genre ? Pourquoi pas ?
L’adaptation de romans en BD, un problème complexe évoqué par ces deux hommes, en complément de l’avis et des attentes des lecteurs de Babelio. Mais avec tout ces chiffres, il ne faudrait pas oublier la part de rêve. Cette part qui vous fait voir des images alors que vous ne lisez que des mots. Et qui fait naître cette envie folle de partager ces images avec d’autres, ainsi commence sans doute beaucoup d’adaptations...
Ce rêve, pour Grégoire Séguin, c’est adapter Joyce et pour Thierry Stoffel, c’est un secret, un roman pour lequel il est en cours de discussion. Nous n’en saurons pas plus...
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