Dans les arcanes du pouvoir
Le 17 février 2023
Coup d’essai, coup de maître. Quand Bertrand Tavernier s’essaie à la comédie...
- Réalisateur : Bertrand Tavernier
- Acteurs : Thierry Lhermitte, Jane Birkin, Niels Arestrup, Julie Gayet, Thierry Frémont, Didier Bezace, Anaïs Demoustier, Marie Bunel, Thomas Chabrol, Raphaël Personnaz, Jean-Marc Roulot, Sonia Rolland, François Perrot, Bruno Raffaelli, Alix Poisson, Sébastien Pouderoux
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution, Tamasa Distribution
- Durée : 1h53mn
- Date télé : 11 mars 2022 21:05
- Chaîne : Chérie 25
- Reprise: 15 février 2023
- Date de sortie : 6 novembre 2013
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Résumé : Fraîchement diplomé, Arthur Vlaminck est appelé à travailler au service du ministre des Affaires étrangères. Mais entre le flegme du directeur de cabinet, Claude Maupas, les coups bas des autres conseillers dévorés d’ambition et les feuilles qui volent au passage du ministre Taillard de Worms, le jeune Vlaminck se rendra rapidement compte qu’être le chargé de langage du chef de la diplomatie n’est pas de tout repos.
« C’est un roc, c’est un pic, c’est un cap, que dis-je, c’est une péninsule ». Si Thierry Lhermitte n’a pas le physique d’un Cyrano (laissons à Gérard ce qui est à Gérard), son personnage de ministre des affaires étrangères dans le nouveau film de Bertrand Tavernier est aussi démesuré qu’inoubliable. Drôle, profond et d’une incroyable maîtrise, Quai d’Orsay apparaît comme l’une des plus belles réussites françaises de l’année.
Critique : Adapté de la célèbre bande dessinée d’Antonin Baudry et Christophe Blain, Quai d’Orsay s’appuie sur l’expérience vécue par l’auteur, la plume de Dominique de Villepin entre 2002 et 2004. Fidèle à l’esprit de la BD, le film s’offre une grande liberté de ton et des dialogues percutants à souhait pour le plus grand bonheur des comédiens qui s’en sont visiblement donnés à cœur joie. Bertrand Tavernier -le génial réalisateur de Que la fête commence, Coup de torchon et La Princesse de Montpensier-, s’il ne manque pas d’humour, nous avait jusque là plutôt habitués aux drames. Il surprend donc en livrant une comédie jubilatoire qui sous ses allures de farce nous parle aussi de choses plus graves. Hawks disait qu’une bonne comédie pouvait se transformer en drame en changeant seulement quelques éléments. Tavernier, fan du maître et cinéphile hors pair, a judicieusement choisi de suivre cette maxime en n’évacuant pas l’aspect tragique de son histoire. Certains diront sans aucun doute du film qu’il édulcore le traitement des crises internationales. Il n’empêche qu’elles sont bel et bien présentes. Le ministre, tout zozo qu’il est, est aussi un homme de conviction, courageux et droit dans ses bottes, qui n’hésite pas à sortir de sa voiture pour calmer une foule en colère et prononce le seul discours jamais applaudi à l’ONU.
- © Tamasa Distribution
Il serait alors dommage que le film soit assimilé à ce qu’il n’est pas, soit une satire de la classe politique. Le scénario, écrit par Tavernier avec le concours d’Antonin Baudry, est un petit bijou de finesse et d’intelligence, d’une fluidité confondante malgré une grande densité d’informations. Si nombre d’aspects de Quai d’Orsay évoquent le vaudeville, le film ne cède jamais à la facilité et ne tombe pas dans l’écueil de la suite de sketchs vendus comme autant de morceaux choisis. La caméra semble se balader dans les moindres recoins du ministère, captant ça et là des moments d’échanges ou de fous rires entre les différents protagonistes. Car si les gens peuplant ce microcosme présenté comme en perpétuel mouvement ont la lourde tâche de s’attaquer aux problèmes du monde entier tout en tâchant de préserver un fragile équilibre géopolitique, ils sont avant tout des hommes et des femmes comme vous et moi. Le film est en ce sens particulièrement intéressant dans sa volonté de désacraliser la classe politique (ce qui n’est pas nécessairement à prendre dans une acception négative). Tavernier observe sans juger, et présente une galerie de personnages si complexes qu’ils ne peuvent justement être réduits à une caricature.
- © Tamasa Distribution
En faisant du spectateur un locataire temporaire du Quai d’Orsay, le réalisateur nous permet de voir par nous-mêmes comment fonctionnent les rouages de cette machine politique dont beaucoup se sentent coupés. Et si le ministre est focalisé sur une vision du monde qui ne souffre aucun compromis, il dirige son « armée » d’une main de fer pour donner à cette même vision une application concrète. Dans le rôle d’Alexandre Taillard de Worms, un Thierry Lhermitte ressuscité qui, après une longue traversée du désert de presque dix ans, se voit enfin confier un rôle à la mesure de son immense talent. C’est bien simple, on ne lui avait pas connu un tel aplomb depuis Le dîner de cons. Omniprésent, foutraque, exubérant, vociférant, claquant les portes à presque tous ses passages (on nous a assurés qu’aucun mobilier n’avait subi de dommages irréversibles), il donne à son personnage un charisme éblouissant, qui se transforme vite en véritable aura. Homérique serait l’adjectif idéal, mais le ministre nourrit une véritable passion pour Héraclite (dont les sages paroles rythment le film), si bien que sa « plume » doit sans cesse composer avec les citations du philosophe. On vous laisse découvrir. À ses côtés, Niels Arestrup (lui aussi impeccable dans un rôle pourtant à contre-emploi), le directeur de cabinet qui tempère les ardeurs trop enflammées du ministre, permet un contrepoint des plus judicieux qui renforce la crédibilité de l’ensemble. Quant à Raphaël Personnaz (découvert par le même Bertrand Tavernier), parfait en jeune premier tout droit débarqué de l’ENA, il confirme qu’il a déjà tout d’un grand. En bref, Quai d’Orsay, servi par un montage nerveux qui nous maintient dans un état de veille permanent et une grande inventivité dans la réalisation (split screen, caméra mouvante) vibre, trépigne, éclabousse même, le tout pour notre plus grand plaisir. Un authentique coup de maître qui vient faire le ménage dans une comédie française globalement ultra formatée.
- © Tamasa Distribution
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