Sur la route
Le 30 octobre 2013
Perdu entre mélo et comédie, Prince of Texas s’aventure à couper à travers genres. Résultat ? Un huis clos forestier, qui, bien qu’original et décalé, peine à tenir la route.
- Réalisateur : David Gordon Green
- Acteurs : Emile Hirsch, Paul Rudd
- Genre : Comédie dramatique
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Prince Avalanche
- Date de sortie : 30 octobre 2013
- Plus d'informations : http://distribution.memento-films.com/
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Perdu entre mélo et comédie, Prince of Texas s’aventure à couper à travers genres. Résultat ? Un huis clos forestier, qui, bien qu’original et décalé, peine à tenir la route.
L’argument : Alvin et Lance travaillent ensemble sur le marquage d’une route endommagée par un feu de forêt. Tandis que l’un profite des joies de la nature et des grands espaces, l’autre ne pense qu’aux fêtes et aux filles…
Notre avis : Été 1988, Texas. Un adolescent mal dégrossi et un quadra’ en crise quittent la ville pour planter leur tente entre les troncs calcinés de Bastrop State Park. Du haut de leur camionnette, ils tracent la route. A coups de peinture jaune...
Remake du film islandais Either Way (2011), la version de David Gordon Green (All the real girls, Délire Express, Baby sitter malgré lui) affiche une belle imprévisibilité. A l’écran, les scènes se suivent mais ne s’enchaînent pas. L’idée ? Imager à voix basse le conflit intérieur des personnages, laissant libre cours à la contemplation du décor et la méditation de l’instant. Dans la lumière cotonneuse du crépuscule sud-étasunien, le visage de Paul Rudd brille d’une sombre mélancolie. En arrière plan, une nature elle aussi dévastée. Entre les cendres, quelques fleurs.
Porté par un décor hallucinant, Prince of Texas retrace une errance. Existentielle et géographique. Décidé à se couper de la société le temps d’un été, Alvin s’exile en forêt, son beau frère, Lance, sur ses talons. Immature, vulgaire et fainéant, le jeune homme exhibe son insolente jeunesse au visage du romantique Alvin qui n’a qu’une seule idée en tête : faire de ce gamin un homme. Entre ces deux opposés, pas un jour ne passe sans que l’orage éclate. Jusqu’à ce que le vent ne tourne...
Perdu dans un paradis primaire, Prince of Texas se singularise par son concept : un road movie qui tourne en rond. D’une beauté violente et mortifère, la nature texane, loin de protéger le duo, semble prendre un malin plaisir à leur mettre des bâtons dans les pneus. Mystique et indompté, ce véritable triangle des Bermudes forestier semble n’avoir pour seul repère que cet interminable ligne jaune bétonnée. Marquer son passage, s’ancrer dans le réel, tenir une ligne de conduite et reprendre le contrôle, pour l’un comme pour l’autre, le pinceau est à lui seul une thérapie. Enfin surtout pour Alvin, Lance passant son temps à tenter de s’enfuir. Face à ce désert déshumanisé, pas d’échappatoire à l’introspection, il faut s’assumer.
Improbable duo, Alvin (Paul Rudd) et Lance (Emile Hirsh) ont le charme de l’absurdité. Si David Gordon Green s’est illustré par le passé dans des comédies américaines d’une finesse plus que douteuse, dans Prince of Texas il affine le rire en sourire. Et si l’humour nait très souvent du comique de situations, la caractérisation des personnages reste le point fort du film. Tout comme la performance de Paul Rudd, brillante de gaucherie et de sensibilité. Conservateur taciturne et incorrigible rêveur, Alvin s’agace de voir Lance brasser de l’air toute la journée. A dix huit ans, ne pas savoir pêcher dans l’Amérique des années 80, c’est péché ! Pourtant, quand le roc Alvin s’effondre, c’est bel et bien la loufoquerie de Lance qui le sauve. A tel point qu’Alvin finira par voler ! Pendant sept secondes...
Si la magie d’une poésie résolument malickienne opère, Prince of Texas perd de sa profondeur quand on s’attaque au récit. Décousue et linéaire, la toile de l’histoire reste pour le réalisateur, le prétexte artificiel à une expérience initiatique. Entremêlées dans le désordre au fil rouge du récit, une série de paraboles et de rencontres symboliques (et un peu beaucoup tire-larmes...) : une octogénaire cherchant dans les cendres de sa maison les indices de son passé, un vieux fou solitaire accro’ à la boisson et à la vitesse tout droit sorti d’un roman d’Abbey et un paquet de lettres signées de la main d’une femme, délaissée à des centaines de km. Démonstratif, Prince of Texas se perd en une narration trop linéaire dont les nombreuses digressions ne font qu’alourdir un rythme qui peine déjà à accélérer. Reste la beauté visuelle, tel ce filet de peinture jaune déversée dans le lit d’une rivière, métaphore parfaite de l’impermanence des choses. Et surtout de l’humain.
Au final, Prince of Texas pose au coeur d’un cirque westernien deux créatures sauvages, brûlant d’espoir, de désespoir, et tentant maladroitement de s’apprivoiser dans une nature consumée. Un film déroutant. Peut-être un peu trop...
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