Course contre le monde
Le 22 juillet 2010
Sydney Pollack fait danser Jane Fonda dans un manège sans pitié où cesser de voltiger revient à signer son arrêt de mort. Une fresque sociale vertigineuse mais un peu datée, où brille l’une des plus grandes actrices du cinéma américain contemporain.
- Réalisateur : Sydney Pollack
- Acteurs : Jane Fonda, Red Buttons, Susannah York, Michael Sarrazin, Gig Young
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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– Durée : 2h00min
– Titre original : They shoot horses, don’t they ?
– Date de reprise : le 14 juillet 2010
Sydney Pollack fait danser Jane Fonda dans un manège sans pitié où cesser de voltiger revient à signer son arrêt de mort. Une fresque sociale vertigineuse mais un peu datée, où brille l’une des plus grandes actrices du cinéma américain contemporain.
L’argument : En pleine dépression économique, les primes des marathons de danse attirent jeunes et vieux accablés par la misère. Robert et sa partenaire Gloria dansent à en perdre la raison. Ils tiendront coûte que coûte. A moins que la mort ne les sépare...
Notre avis : A situation désespérée, tentatives désespérées. Exclus du manège de la vie et de l’argent, emportés par le tourbillon d’une crise qu’ils n’ont pas pu ou su voir venir - quelle est leur position sociale, leur passé, à aucun moment nous ne l’apprendrons véritablement -, les héros de Sydney Pollack s’engouffrent dans un autre manège, plus trivial celui-ci, et censé assurer leur fortune pour les années à venir. D’emblée, le cinéaste joue sur la force de l’antithèse, la réalité qui contredit le discours : c’est le choc des images contre le poids des mots, dans une lutte au corps-à-corps que mènent d’une part le pouvoir, d’autre part ceux qui s’acharnent à y résister. Sur une tirade de bonimenteur promettant du divertissement, des paillettes et des sensations, des zombies en guenilles piétinent sur un slow, à bout de forces ; dans ce « danse ou crève » infernal, Pollack a réussi le coup de force d’ôter à la danse sa sensualité et son magnétisme quasi-magique, pour ne laisser intacte qu’une carcasse de mouvement, mise en branle par des acteurs-automates. C’est cette transformation de l’agrément en douleur physique et morale qui forge toute la puissance d’On achève bien les chevaux : servies par un montage virevoltant, les séquences s’enchaînent avec brio, faisant osciller le rythme cardiaque des personnages entre fatigue léthargique et danse de Saint-Guy, comme dans les deux scènes épiques du « derby », où les personnages aux traits convulsionnés par l’effort tournent autour de la piste dans un vertige de rythmes et de couleurs.
Film maîtrisé de bout en bout, On achève bien les chevaux sonne comme une démonstration en bonne et due forme sur l’exploitation, la misère humaine et la folie qui peut résulter de l’aliénation. A tel point que la vindicte, portée à bras le corps par une Jane Fonda incroyablement charismatique, menace au bout du compte paradoxalement de perdre de son efficacité, par trop-plein de systématisme. Le film donne souvent l’impression de reposer sur une partition binaire entre bons larrons et mauvais patrons, multipliant à l’envi les métaphores classiques, héritées de la littérature, sur le bétail humain, le cirque de la vie ou le théâtre du monde. Sydney Pollack, s’il a le mérite de mener jusqu’à son extrême un fil narratif osé, manque parfois de cette discrétion qui pourrait donner à son ambition politique tout le souffle qu’elle mérite. A l’image des Raisins de la colère de John Ford, On achève bien les chevaux appartient encore à cette génération des « vieux » films américains sur la condition des classes sociales les plus défavorisées, films qui ne peuvent que se résoudre en fresques. A l’échelle de la piste de danse, le projet du cinéaste concerne aussi, d’une certaine manière, la traversée d’une Amérique oubliée ; en prenant soin, comme il se doit, de faire cahoter son véhicule sur toutes les ornières de la misère.
- © Les Acacias
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