Danielle Darrieux joue Feydeau
Le 11 août 2023
Une adaptation subtile et légère de Feydeau. Danielle Darrieux y trouve son plus beau rôle des premières années d’après-guerre.
- Réalisateur : Claude Autant-Lara
- Acteurs : Danielle Darrieux, Jean Desailly, Julien Carette, Jean-Pierre Mocky, Grégoire Aslan, Paul Demange, Marcelle Arnold, Palmyre Levasseur, Victor Guyau, Louise Conte, Roland Armontel, André Bervil
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Distributeur : Lux Compagnie Cinématographique de France
- Durée : 1h32mn
- Reprise: 28 janvier 2009
- Date de sortie : 16 décembre 1949
- Festival : Festival de Cannes 1949
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Résumé : Amélie, une cocotte entretenue par Milledieu, se prête à un mariage blanc pour aider Marcel, un ami de son amant, à toucher un héritage. Mais une idylle naît entre les faux mariés.
Critique : Longtemps invisible, Occupe-toi d’Amélie s’avère être l’une des plus éclatantes réussites du cinéma français d’après-guerre. Les héritiers de Feydeau, qui avaient négocié un contrat d’exclusivité avec la Comédie-Française, s’étaient opposés à cette version cinématographique et en avaient bloqué la reprise en salles et la diffusion à la télévision. Descendu en flèche par François Truffaut et la Nouvelle Vague, au nom de la guerre contre « un cinéma de papa », l’art d’Autant-Lara, réalisateur important des années 40 et 50, finira par ne plus être tendance ; de plus, les dernières années de la vie du cinéaste, marquées par des prises de position xénophobes et un militantisme d’extrême droite, ne firent rien pour donner envie de redécouvrir un artiste grillé sur plus d’un plan. Et pourtant, plus de dix ans après sa mort, force est de reconnaître que la filmographie d’Autant-Lara (plus que l’homme), mérite une réhabilitation, comme l’atteste ce bijou d’élégance et de rythme. Deux ans après Le diable au corps, sulfureuse adaptation de Raymond Radiguet, Lara affine son goût pour l’étude de mœurs amorcée depuis Douce et qui trouvera un prolongement avec ses réussites futures dont L’auberge rouge et La traversée de Paris. La critique sociale en exergue de son œuvre est en osmose avec l’écriture et et la satire déployées dans la pièce de Feydeau : hypocrisie et mesquinerie de la bourgeoisie, morale étriquée et aliénation de la femme sont raillées avec une causticité qui sied tant à l’auteur du Dindon qu’au réalisateur d’En cas de malheur.
Pourtant, Autant-Lara n’est pas le seul responsable de la qualité du film : il est ici assisté par ses deux scénaristes et dialoguistes de prédilection : Jean Aurenche et Pierre Bost (eux-mêmes futurs boucs émissaires truffaldiens). Les trois hommes réussissent un modèle d’adaptation littéraire et théâtrale en déconstruisant le matériau de base, restructurant la narration et introduisant une mise en abyme peu usuelle dans le cinéma de l’époque, si ce n’est dans les films de Sacha Guitry : le découpage assumé en trois actes avec lever de rideau, l’irruption de spectateurs d’un théâtre sur la scène ou est censée se dérouler l’action ou la séquence finale qui voit un comédien retirer sa perruque et sa fausse moustache sont d’une modernité confondante, qui annonce les délires narratifs de Woody Allen dans La rose pourpre du Caire ou les recherches stylistiques d’Alain Resnais dans Smoking/No smoking. Autant-Lara suit d’ailleurs une mouvance internationale qui consistait à expérimenter une approche filmique de pièces : Macbeth d’Orson Welles ou Hamlet de Laurence Oliver sortiront au même moment qu’Occupe-toi d’Amélie. Ni théâtre filmé, ni film voulant « aérer » une pièce, l’adaptation d’Autant-Lara réussit à s’inscrire dans un vrai projet de cinéma, sans nier l’origine scénique, et c’est ce qui fait son prix. Formé aux Beaux-Arts, le cinéaste retrouve son fidèle collaborateur Max Douy, dont le décor est splendide et contribue à cette harmonie entre reconstitution de la Belle Époque et artifice de la création. Le film marqua le grand retour de Danielle Darrieux, après quelques années un peu creuses : ce rôle de cocotte lui sied à merveille et annonce ses grandes compositions ophulsiennes des années 50. Elle est entourée d’une bande d’excentriques illuminés : Jean Desailly en fiancé polisson, Julien Carette en faux père éructant, Grégoire Aslan en prince slave roucoulant ou Victor Guyau en tonton belge imposant oscillent entre le cabotinage génial et la verve jubilatoire.
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