Nouveau départ - Cameron Crowe - critique

Critique : Ceux qui prendront ce film pour une simple bluette animalière et familiale à la Disney, une sorte de divertissement inoffensif un peu longuet mais sympathique, trouveront sans doute notre note et notre avis fort injustes. Nous nous en excusons par avance. En revanche, ceux qui vouent ou ont voué par le passé un léger culte à la personne de Cameron Crowe (et parfois à son travail de cinéaste), seront grandement déçu et trouveront notre étoile solitaire totalement méritée.
Le fait est que Crowe a vécu l’adolescence que tous les grands fans de rock (dont nous faisons partie) auraient rêvé de vivre : journaliste pour le magazine Rolling Stone à seize ans, il a côtoyé les plus grandes stars de la musique et de la critique, dont le mythique Lester Bangs. Son histoire peu banale, il l’a racontée à l’écran dans Presque célèbre, qui est et restera sans doute son meilleur film. Et puis pour les enfants du grunge que nous sommes, Cameron Crowe est aussi l’auteur de Singles, film du début des années 90 dans lequel défilait toute la scène émergente de Seattle. Il a d’ailleurs bouclé la boucle l’année dernière en réalisant le documentaire PJ 20 qui fêtait les vingt ans du groupe Pearl Jam.

© Twentieth Century Fox

Mais au-delà de cela, c’est son utilisation de la musique rock dans des films moins personnels qui le rendait intéressant. L’exemple le plus magistral demeure Vanilla Sky. On peut dire ce qu’on veut sur les qualités cinématographiques de cette œuvre ou sur l’interprétation moyenne de Tom Cruise, il n’empêche que la symbiose entre la musique et le récit est réellement brillante. Au lieu de vainement illustrer l’action, les chansons et leurs paroles donnent à penser sur la trame en cours et les événements à venir. Un vrai phénomène ludique qui fonctionnait encore mieux lors d’une deuxième vision du film. Et puis, quelqu’un qui met Radiohead, Jeff Buckley, McCartney et consorts dans ses films ne peut pas être mauvais.
Pourtant, Nouveau départ ne nous a pas convaincus. Certes la musique est là (nous ne parlons pas de la bande originale pas terrible composée par Jonsi de Sigur Ros et Crowe lui-même), Neil Young et Bob Dylan en tête, les références aussi (un personnage a le même nom que le guitariste de Pearl Jam) et Matt Damon est impeccable comme toujours. Mais tout ça pour quoi ? Ou plutôt au service de quoi ? D’un divertissement inoffensif un peu longuet mais sympathique. D’une bluette à la Disney dans laquelle une famille parvient à faire le deuil de leur mère décédée grâce à la disparition d’une guenon…Très peu pour nous. Pour la première fois peut-être, Cameron Crowe ne fait pas honneur à sa musique de prédilection. Un exemple ? Le fils du personnage de Matt Damon s’appelle Dylan. Vers la fin du film, il avoue à sa future petite amie que le choix de son prénom ne vient pas de Bob mais du chien de ses parents. Ce à quoi la fille lui répond : « C’est mieux ! »… Non, non et non ! Hérésie ! Dans un film de Crowe, quand on s’appelle Dylan, c’est en hommage au barde de Duluth, point barre ! Il est urgent que le cinéaste nous refasse un film de fiction vraiment rock pour qu’il amorce enfin, lui-aussi, un nouveau départ. À moins qu’il ne soit trop tard.