Une vérité qui dérange
Le 4 mai 2010
Entre légèreté de vaudeville et poids de l’histoire contemporaine, ce film au ton très théâtral propose une vision originale de l’Afrique du Sud actuelle, et se laisse mener avec brio par son prestidigitateur en chef, John Kani.
- Réalisateur : John Kani
- Acteurs : John Kani, Rosie Motene, Motshabi Tyelele
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Sud-africain
- Date de sortie : 5 mai 2010
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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– Durée : 1h17min
Entre légèreté de vaudeville et poids de l’histoire contemporaine, ce film au ton très théâtral propose une vision originale de l’Afrique du Sud actuelle, et se laisse mener avec brio par son prestidigitateur en chef, John Kani.
L’argument : A l’époque de la Commission Vérité et Réconciliation cette histoire met en lumières ceux qui luttèrent contre l’apartheid de l’intérieur.
Sipho Makhaya travaille à la Bibliothèque Centrale de Port Elisabeth. Il en est le directeur adjoint et espère, après 43 ans de bons et loyaux services, d’humiliations et de souffrances endurées pendant l’apartheid (dont le meurtre de son fils), pouvoir enfin en prendre la direction alors que la politique de la nouvelle Afrique du Sud vise à la promotion des Noirs.
Sipho vit seul avec sa fille, Thando, qui suit les débats de la Commission Vérité et Réconciliation dans l’espoir de connaître enfin la vérité sur le meurtre de son frère où elle travaille comme interprète.
Ils accueillent la nièce de Sipho qui ramène le corps de son père, héros de la lutte anti-apartheid et mort à Londres où il est resté après l’avènement de la démocratie. C’est l’heure des réglements de comptes... plutôt celle de dire la vérité et de tenter la réconciliation.
Notre avis : A première vue, hormis l’Afrique du Sud, rien de commun entre Nothing but the truth, petite production adaptée par John Kani à partir de sa propre pièce de théâtre, et District 9, politique-fiction débordant d’effets spéciaux ; et pourtant, à quelque six mois d’intervalle, ces deux films sont le symptôme d’une ressaisie de l’histoire contemporaine, non sous l’angle du pathos et des larmes, mais par le biais de fictions décalées qui n’hésitent pas à dynamiter les décorums solennels. La réussite du pari de Kani tient à la science alchimique du mélange des genres : le film s’ouvre sur les archives vidéo de la commission « Vérité et Réconciliation », événement mémoriel fondateur de la construction d’une nouvelle Afrique du Sud, meurtrie par la période de l’apartheid. Mais aussitôt, la première demi-heure enchaîne les situations grotesques (un corps incinéré un peu trop à la hâte, des bagages qu’il faut venir livrer en pleine nuit, une interprétation commode de la Bible...) où les personnages entrent et sortent en s’interpellant et en poussant des hauts cris, comme sur la scène d’un vaudeville. Cette outrance menace d’ailleurs constamment de faire basculer l’ensemble dans le ridicule, et pointe les faiblesses possibles de l’adaptation scénographique de la pièce originale : le jeu des acteurs - y compris celui de John Kani, pourtant savoureux dans son rôle de vieux bibliothécaire autoritaire et buté - reste la plupart du temps calqué sur un modèle théâtral excessif.
En dépit de sa légèreté apparente, Nothing but the truth est toutefois travaillé en profondeur par les douleurs encore vives de l’apartheid et de la répression des luttes contre la ségrégation. On passera assez vite sur l’histoire plutôt classique de la rivalité entre les deux frères, pour relever ce qui, du passé, ne « passe pas » : le sentiment d’impunité des responsables, le labeur de toute une vie, gâché par des décisions arbitraires, et surtout les blessures concrètes d’une violence aveugle. L’Afrique du Sud a fait le choix du pardon : la plupart des dirigeants à la tête de la politique d’apartheid ont bénéficié d’une amnistie, à la condition qu’ils reconnaissent intégralement leurs crimes. C’est cette alliance problématique de la « vérité » et de la « réconciliation » que John Kani met à l’épreuve, en en approuvant la nécessité, mais aussi en rendant sensibles les drames humains qu’une telle décision peut impliquer pour les victimes et les familles. Si le film se conclut inévitablement par une morale générale de paix et de vivre-ensemble, les mots se dotent d’une consistance réelle, au regard du courage qu’ils exigent de celui qui les prononce. Comme le fait remarquer Thando, la fille du bougonnant Sipho, choisir le dialogue contre un procès façon Nüremberg ne revient pas à tout effacer en se taisant ; c’est au contraire une leçon de mémoire, où chacun se voit remettre ses responsabilités : à l’heure où nous écrivons, pas sûr que tous soient déjà prêts à entendre cette vérité-là.
- © Hevadis Films
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