Le 8 avril 2014
Une odyssée spectaculaire quoiqu’un peu redondante, où les morceaux de bravoure alternent avec des scènes parfois convenues et un peu fades
- Réalisateur : Darren Aronofsky
- Acteurs : Anthony Hopkins, Russell Crowe, Jennifer Connelly, Emma Watson, Ray Winstone, Logan Lerman
- Genre : Aventures
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h18mn
- Date télé : 24 mars 2020 20:55
- Chaîne : France Ô
- Date de sortie : 9 avril 2014
Une odyssée spectaculaire quoiqu’un peu redondante, où les morceaux de bravoure alternent avec des scènes parfois convenues et un peu fades
L’argument : Russell Crowe est Noé, un homme promis à un destin exceptionnel alors qu’un déluge apocalyptique va détruire le monde. La fin du monde… n’est que le commencement.
Notre avis : Dans Noé, Aronofsky transpose la légende biblique et retrace les grandes étapes du Déluge, ce moment fondateur au cours duquel l’humanité se trouve épurée pour être refondée. Disons-le d’emblée : que le film soit fidèle ou non à la lettre nous importe peu, le présupposé selon lequel une oeuvre devrait être fidèle à ses sources étant de toute manière discutable. Ce qui est frappant en revanche, c’est la volonté du cinéaste d’aborder de front le rapport au sacré, en ancrant son métrage dans un monde où règne l’anarchie et où la colère de Dieu va puissamment résonner. De ce point de vue, l’argument-même de l’épisode fondateur est pris très au sérieux par Aronofsky, qui représente sans ambage un Dieu vengeur et une humanité déchue au point d’être sacrifiée. C’est là, sans doute, que réside tout à la fois l’audace de Noé et son côté "tonitruant", son manque de justesse à certains endroits.
© Paramount Pictures
Pour ancrer son film au coeur de la Genèse, Aronofsky recourt abondamment aux grands ensembles, donnant à voir un monde dévasté, proche du Chaos, auquel Dieu seul peut redonner vie. Dès les premières séquences, les paysages désertiques et rocheux contribuent à créer une atmosphère propice aux grands conflits métaphysiques ; le cinéaste fait montre d’inventivité et d’un talent certain lorsqu’il s’agit de filmer ces grands espaces (images accélérées pour suggérer le passage du temps, jeux d’ombres et de lumière, etc.). Cette inventivité se retrouve dans la manière dont sont dépeints les anges déchus, êtres de pierre pourvus d’un cœur d’or, à la fois inquiétants et majestueux. Le film fait ainsi d’emblée place à la fable, au merveilleux et à la magie, ce qui lui réussit plutôt bien, certaines séquences rappelant de façon très nette l’univers de l’heroic fantasy. Mais précisément, la magie est vouée à occuper une place secondaire dans ce métrage, dont le thème principal demeure l’invisible – et l’incompréhension qu’il suscite. D’où une tension, pas toujours résolue, entre une pléthore d’effets spéciaux et le sentiment qu’un vide habite cet univers où les hommes s’entre-déchirent cruellement. Pour le dire autrement, le film se dote des moyens techniques nécessaires pour représenter l’irreprésentable, mais au risque de sacrifier une part de son mystère.
© Paramount Pictures
Parfois le cinéaste trouve l’équilibre : Aronofsky par exemple, s’en sort bien lorsqu’il s’agit de suggérer la présence du Créateur au moyen de divers jeux de lumière (ou par les songes prophétiques) ; mais à d’autres moments le film tombe dans une artificialité dommageable, comme lors de la construction de l’arche, qui a quelque chose de « carton-pâte » au regard des moyens techniques (assez rudimentaires) dont disposent Noé et sa famille pour la bâtir. Le film oscille ainsi, pendant plus de deux heures, entre de belles séquences et des moments ratés où l’artifice reprend ses droits sur le mystère.
© Paramount Pictures
Ce qu’Aronofsky réussit le mieux, c’est le retravail de l’épisode biblique, qui devient sous sa caméra un ample récit épique, dont la fin est attendue mais qui ménage une progression, de la surprise, du suspense, bref une intensité dramatique indéniable, qui rend le film parfois prenant. Les rivalités de pouvoir trouvent ainsi leur expression dans de puissants conflits dont le manichéisme est assumé, mais dont le déroulement est grandiose. Du reste, Aronofsky ne s’en tient pas au conflit entre Bien et Mal ; il filme aussi en creux la singulière absence d’un Dieu vengeur, incompréhensible et cruel. Noé lui-même apparaît dans l’arche comme un homme excessivement pieux, au point d’être tyrannique et aveugle. Le voyage dans l’arche est peut-être, de ce point de vue, le moment le plus réussi du film, le réalisateur exploitant avec brio le potentiel dramaturgique du huis-clos en filmant de près la solitude de ces élus condamnés à l’errance, portant en eux la mémoire des morts que le Déluge a engendrées.
© Paramount Pictures
Au fond, les défauts du film tiennent peut-être à sa volonté de toucher un public large, ce qui se ressent dans les conflits sentimentaux des jeunes personnages. Les intrigues amoureuses convainquent partiellement, en dépit de la prestation tout à fait solide des comédiennes, sans doute parce que le contraste entre une humanité malfaisante, réduite aux pires larcins, et le petit groupe d’innocents que constituent Noé et sa famille, est trop appuyé (ou trop incompréhensible) pour que l’amour trouve sa juste place dans le métrage. Le cinéaste réalise donc un film inégal, jamais long mais dont la tonalité manque parfois de justesse. On retiendra de Noé son sens de la prouesse, son inventivité visuelle, mais aussi, une certaine artificialité qui l’empêche d’atteindre à la poésie. Aronofsky, bien plus à l’aise avec la magie, le mysticisme et le fantastique, qu’avec le sacré proprement dit et le mystère de la foi, parvient à insuffler ça et là ce climat d’inquiétante étrangeté dans lequel il excelle, mais son sujet et le format de son film l’empêchent de donner libre cours à son imagination tortueuse et d’instaurer le climat inquiétant (et intérieur) de ses précédentes oeuvres. Le résultat d’un tel compromis est nécessairement hybride, tantôt fascinant, tantôt redondant.
© Paramount Pictures
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sali 21 avril 2014
Noé - la critique du dernier film de Darren Aronofsky
Film magnifique pour celui qui connait l’empathie, a l’esprit du sacrifice et sait se remettre en question.
Film qui n’est pas livré avec le mode d’emploi ; aussi, à chacun d’y trouver les signes !!
L’émotion de certaines scènes enveloppe, séduit et imprègne.
J’ai adoré !! :)