Delon et Losey : une collaboration choc
Le 18 août 2024
Delon est superbe dans ce récit kafkaïen des déboires d’un affairiste sous l’Occupation, magistralement mis en scène par Joseph Losey.
- Réalisateur : Joseph Losey
- Acteurs : Alain Delon, Suzanne Flon, Michel Aumont, Jeanne Moreau, Gérard Jugnot, Pierre Vernier, Francine Racette, Michael Lonsdale, Massimo Girotti, Étienne Chicot, Louis Seigner, Roland Bertin, Jean Bouise, Juliet Berto, Hermine Karagheuz, Fred Personne, Isabelle Sadoyan, Jean Champion, Maurice Baquet, Francine Bergé, Jenny Clève
- Genre : Drame, Historique, Drame historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Acacias, Fox Lira
- Durée : 2h03mn
- Date télé : 23 août 2024 21:00
- Chaîne : France 5
- Reprise: 6 juillet 2022
- Box-office : 711 752 entrées France / 214 514 entrées Paris périphérie
- Date de sortie : 27 octobre 1976
- Festival : Festival de Cannes 1976, Festival de La Rochelle 2022
Résumé : En 1942 à Paris, sous l’Occupation, l’Alsacien Robert Klein fait des affaires, notamment en rachetant à vil prix des objets d’art à des juifs en difficulté. Alors qu’il reconduit à la porte l’un d’eux à qui il vient d’acheter un petit tableau du maître néerlandais Adriaen van Ostade, il découvre parmi son courrier un exemplaire des "Informations juives", journal habituellement distribué sur abonnement spécial. L’affairiste se rend alors compte qu’il existe un autre Robert Klein, homonyme, abonné au journal parce que juif et fiché comme tel à la préfecture de police...
- © studiocanal
Critique : Les années qui ont suivi la sortie du documentaire Le chagrin et la pitié ont brisé le tabou de la représentation cinématographique des noirceurs du régime de Vichy. Après Lacombe Lucien (Louis Malle, 1974), Mr. Klein se déroule également dans une France où règnent lâchetés, délations, mesquineries et compromissions, dans un contexte d’antisémitisme institutionnalisé. Le film démarre fort, avec la visite médicale d’une femme nue (Isabelle Sadoyan) subissant un examen pour déterminer ses origines ethniques, les propos du docteur assumant un racisme convaincu, et ses gestes s’apparentant à ceux d’un vétérinaire. Un spectacle de cabaret raillant les juifs, auquel assistent Robert Klein et sa maîtresse (Juliet Berto), met en exergue l’attitude inconsciente d’une partie du monde des artistes. L’horreur va crescendo jusqu’à une séquence montrant la préparation et le déroulement de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Entre ces passages emblématiques, on aura vu un affairiste arnaquer un juif en fuite (Jean Bouise), un employé de préfecture (Michel Aumont) d’un zèle administratif digne de Maurice Papon, des policiers inquiétants (Étienne Chicot et Pierre Vernier), traquant un homme tels des tueurs à gages, un vieux père (Louis Seigner) expliquer que les Klein sont « catholiques depuis Louis XIV », ou un respectable avocat (Michael Lonsdale) dénonçer un juif forcément criminel à ses yeux. Pourtant, Monsieur Klein n’est que partiellement un film historique, les déboires de Robert Klein prenant une dimension kafkaïenne et absurde qui dépasse le souci de vraisemblance et de reconstitution d’époque, pourtant soignée. Bourgeois cultivé, fier d’être Français et faisant confiance à la police de son pays, Mr. Klein a trouvé un créneau.
- © studiocanal
L’exil des juifs lui assure une prospérité financière, même s’il n’est pas directement impliqué dans la collaboration. Bel homme, il est partagé entre Jeanine et la femme de son meilleur ami (Francine Bergé), jusqu’au jour où une curieuse homonymie viendra bouleverser son existence moralement équivoque mais socialement réglée. Arroseur arrosé, Robert mène son enquête mais c’est précisément la complexité de celle-ci et l’ambiguïté de son attitude qui font la force du récit. Volonté de se protéger ou attirance vers le danger qui le menace ? Toute la force de Losey est de ne pas donner de réponse à cette interrogation et de réussir à teinter le film d’un climat étrange et irréel, à l’instar de la séquence d’un dîner en province auprès de châtelains mystérieux (Jeanne Moreau et Massimo Girotti). On pourra voir aussi des correspondances avec The Servant (1963), le chef-d’œuvre de sa période anglaise, pour les thèmes de la manipulation et du double, les deux Klein se livrant sans se voir au même jeu du plus fort pratiqué par Dirk Bogarde et James Fox. Comme dans ce film, Losey est un maître dans la captation des sentiments humains et l’aptitude à créer une tension. On se référera ici à la scène où son antihéros, évasif, sort un rasoir d’un tiroir sous le regard effrayé d’une logeuse (Suzanne Flon) : le film nous mène le temps de quelques secondes vers une fausse piste narrative... Producteur du film, Alain Delon fut très impliqué dans le projet. Froidement accueilli au Festival de Cannes, Monsieur Klein fut un échec public mais séduisit les professionnels qui lui donneront les César du meilleur film, du meilleur réalisateur des meilleurs décors (Alexandre Trauner).
– Césars 1977 : Meilleur film - Meilleur réalisateur - Meilleurs décors
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Frydman Charles 22 janvier 2021
Monsieur Klein - Joseph Losey - critique
A 55 mn 50 s la longue diatribe du grand père dans sa grande sagesse évoque sa conception de l’indifférence, et résumé assez bien la morale du film :
L’indifférence, c’est
Comme une mer immobile et plate autour d’un homme qui se noie
C’est comme un troupeau de mouton qui broute l’herbe parmi le ruines d’un village
C’est comme un ver qui se promène sur une blessure putrefiée
Non, on peut être avare, égoïste, et tout à condition d’être conscient
.......
Son petit fils Robert Klein renchérit
C’est comme un vautour transpercé d’un ne flèche et qui continue de voler.
Du ver qui se promène au seul mot verre dans l’ancien testament, cela me fait penser à un verset de l’ancien testament sur la sagesse qui devrait contrer l’indifférence , Job 28 :
« 7 L’oiseau de proie n’en connaît pas le sentier, L’oeil du vautour ne l’a point aperçu ;
15 Elle ne se donne pas contre de l’or pur, Elle ne s’achète pas au poids de l’argent ;
16 Elle ne se pèse pas contre l’or d’Ophir, Ni contre le précieux onyx, ni contre le saphir ;
17 Elle ne peut se comparer à l’or ni au verre, Elle ne peut s’échanger pour un vase d’or fin. »
Alors que des policiers sont venus poser des questions à Mr Klein , un tableau au mur est une copie modifiée du « violoniste vert » de Chagall. Le tête verte est à moitié emportée vers la gauche avec le chapeau , symbolisant cette période absurde, et les églises remplacées par d’autres motif. Ci-après la copie et l’original comparé : https://zupimages.net/up/21/03/8k4j.jpg