Mekong Stories - la critique du film

Dans la moiteur du Vietnam, un récit brutal et poétique qui s’attache plus à l’ambiance onirique qu’à la description des faits. Déroutant !

L’argument : Saïgon, début des années 2000. Vu est apprenti photographe, Thang vit de petits trafics et Van rêve de devenir danseuse. Réunis par le tumulte de la ville, ils vont devoir affronter la réalité d’un pays en pleine mutation.

Notre avis : Le long du Mékong, fleuve large et calme, s’alignent à l’infini des cabanes sur pilotis faites de bois et de tôles ondulées. Derrière se dressent des immeubles solides et dominateurs. En ce milieu des années 90, les Etats-Unis viennent de lever l’embargo dans lequel ils maintenaient le Vietnam depuis de nombreuses années. De nombreuses opportunités s’offrent alors à la population et tout particulièrement à la jeunesse.
(C) Memento Films
A travers les destins opposés de ces trois jeunes gens, il s’agit de nous montrer toute la difficulté à trouver sa place dans un monde en pleine mutation. Le quotidien est rude et les scènes pleines d’un réalisme cru : Il y a ceux qui mendient, celles qui vendent leurs corps et alors que le pays s’inquiète de la surpopulation ceux qui, contre un peu d’argent, acceptent l’opération chirurgicale qui les privera de paternité à tout jamais. S’appuyant sur des plans à la beauté sublime, le réalisateur nous emmène des bars oppressants de la ville aux images dépouillées des forêts de mangroves aux racines difformes, créatrices d’une ambiance hallucinogène. Le cinéaste nous projette dans un monde où sans cesse le réalisme s’oppose à la poésie, un monde où le jeune Vu, effacé et peu sûr de lui, peine à s’affirmer face à ces hommes brutaux, prêts à tout pour survivre. C’est dans cet univers tout à la fois rude et sensuel, à mi-chemin entre le fantastique et le rêve que Vu, au risque de déplaire à son père, finira par oser affirmer sa sexualité contrariée, laissant penser qu’il vient de gagner sa part de liberté.
(C) Memento Films
Comme il l’avait précédemment fait dans son premier long-métrage Bi, n’aie pas peur, Phan Dang Di se concentre sur les éléments naturels. En utilisant la boue, symbole de la culture vietnamienne, il nous offre une scène d’amour exceptionnelle difficile à imaginer ailleurs que dans cette atmosphère collante et suante. Entre brutalité charnelle et univers vaporeux, Phan Dang Di capte les corps avec un art du contraste rarement aussi bien maîtrisé. Toute la force de son art tient dans cette singulière ambivalence et dans la beauté lente, à l’image du fleuve tout proche de ses images. Néanmoins privilégier les différentes atmosphères, si magiques soient elles, au détriment du développement du récit donne à ce film un sentiment de distance contemplative qui ne permet pas de s’y attacher totalement.