Novillada
Le 22 juin 2005
Comment Almodóvar devint Almodóvar.


- Réalisateur : Pedro Almodóvar
- Acteurs : Antonio Banderas, Carmen Maura, Eusebio Poncela, Assumpta Serna, Chus Lampreave, Nacho Martinez, Julieta Serrano, Eva Cobo
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 19 juin 2023 23:00
- Chaîne : Arte
- Reprise: 12 juin 2019
- Date de sortie : 27 avril 1988

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Résumé : Diego, torero blessé, a dû prendre sa retraite et dirige une école de tauromachie. Maria tue ses amants d’une exquise estocade. Angel s’invente une vie qui n’est pas la sienne. Eva pourrait aimer jusqu’au sacrifice. Les chemins se croisent au gré des vagues rouges de la muleta.
Critique : Deux hommes et deux femmes liés par une passion trouble dans un jeu de miroirs mortel.
On sait depuis longtemps que les deux héros de l’œuvre d’Almodóvar sont Eros et Thanatos, prisonniers de l’absurde dérision du monde moderne. Ici, on est dans le développement du thème, un premier degré qui ne parviendra vraiment à décoller que cinq ans plus tard, avec Talons aiguilles. Une démonstration appuyée, mise en abyme par la première séquence pendant laquelle Nacho Martínez se masturbe devant sa télévision en regardant des scènes de décapitation. L’argument trouve sa justification dans la tauromachie, une mise en perspective de cette jouissance de la mort, et de sa noblesse. Vivre c’est tuer, nous répète-t-on à l’envi, jusqu’à retourner ce désir de mort contre soi. Diego, torero blessé rangé des arènes, doit trouver ailleurs de quoi assouvir cette jouissance du sang. En face, Angel, le disciple, le double, regarde à travers la vitre un monde auquel il n’a pas accès.
C’est toujours un pari risqué que de revenir sur des œuvres de jeunesse. Ici, il s’agirait plutôt de mesurer le chemin parcouru. Matador exhibe un parti pris de provocation caricaturale, en vogue dans une Espagne post-franquiste qui goûtait voracement à la liberté d’expression. Revoir Matador, c’est assister à la mise à mort d’une vieille Espagne qui s’interdisait de parler d’Eros mais avait fait de Thanatos une règle de vie. ¡Viva la muerte !