Désert aride
Le 18 novembre 2014
Le documentariste Marc Bauder tente d’expliciter l’endémique "crise" sous l’angle du reportage. Sa réalisation prend la forme d’une conversation "entre quatre-z-yeux" avec l’un de ces "maîtres de l’univers"... d’un temps.
- Réalisateur : Marc Bauder
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Allemand, Autrichien
- Date de sortie : 26 novembre 2014
- Plus d'informations : http://www.filmfestamiens.org/
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Une plongée austère dans le monde de la crise financière via l’interrogatoire d’un ex-banquier qui se croyait extraordinairement puissant : la conversation à bâtons rompus va-t-elle le reconnecter au monde réel ?
L’argument : Rainer Voss, un ancien banquier d’une cinquantaine d’années, décide de livrer son expérience. De ses grands débuts à sa fulgurante ascension professionnelle dans les années 1980, il revient sur l’évolution du système financier allemand : les innovations, les différents acteurs du secteur, tout en dévoilant l’envers du décor...
- © Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion
- © Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion
Notre avis : Cantonner Master of the Universe au seul style du documentaire serait réducteur, schématique. Évidemment le dispositif est minimaliste, puisque son parti pris est de proposer un tête à tête entre Rainer Voss et la caméra de Marc Bauder (par extension le spectateur, ici en quête de compréhension d’un phénomène qui jalonne immanquablement son ère sociétale). Si la réalisation de Bauder sort en salles après de colossales fictions traitant du monde financier, le génial Loup de Wall Street et l’excellent Margin Call en tête, elle navigue comme ces dernières sur la frontière entre reportage et représentation iconique d’un monde abscons pour le commun des mortels. La première des réussites du film, c’est son déploiement de procédés cinématographiques illustrant un monde industriel quasiment vidé de présence humaine, exceptée celle de son narrateur-acteur prisonnier d’une architecture judicieusement utilisée. La musique classique extradiégétique souligne de longs panoramiques, des travellings et autres contre-plongées sur des lignes bétonnées étouffantes, preuves de la mise en exergue d’outils esthétiques éloignant le projet du documentaire "standard". On se retrouve face aux symboles d’un monde déchu, lui-même archétype d’une libéralisation outrancière, que viennent broder quelques images d’archives qui entrecoupent les monologues de Rainer Voss.
- © Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion
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Ces longs monologues représentent une autre qualité du film, mais également son seuil... Les qualités de ses défauts en somme : celles d’un casting qui a trouvé le bon interlocuteur, mais qui trouve tout autant ses limites lorsqu’il est question d’empathie. Car si, comme pour les personnages des films de Scorsese et J.C. Chandor, on a l’impression que l’ancien banquier est captif d’un système qui le (re)façonne perpétuellement, la pénitence chère au père de La Dernière tentation du Christ est ici inexistante. Pis, on a l’impression que son refus d’endosser les responsabilités est symptomatique du domaine financier dans son ensemble. Et si le constat est amer, la placidité de Voss "contamine" épisodiquement des images qui, sur une heure trente, peuvent paraitre éprouvantes.
- © Nikolaus Geyrhalter Filmproduktion
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Master of the Universe, déjà récompensé au festival de Locarno, est actuellement proposé dans la compétition documentaires du 34ème Festival international du film d’Amiens. Comme le directeur artistique de celui-ci aime à le rappeler, les grands films de fiction sont aussi des "documentaires [...] dédiés" à leurs protagonistes. C’était le cas du Loup de Wall Street et de Margin Call. Parfois, les documentaires revêtent eux-aussi un aspect quasi fictionnel, pour le moins figuré, illustrant leurs propos. Et c’est bien le cas de ce Masters qui, dans le fond, souligne l’inéluctabilité des comportements humains par une mise en image tour à tour distante et cinématographique. Dans les faits, il peut néanmoins se révéler épineux d’affronter le regard de cet individu invoquant le système pour s’absoudre de ses actions. Quoi qu’il en soit, la démarche de Marc Bauder de livrer un montage en l’état est à saluer. Un film virulent et amèrement informatif, mais dont l’ubiquité de son protagoniste pourra rebuter...
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