Film culte
Le 27 août 2002
Portrait au vitriol d’une femme oppressée par son monstrueux époux. Un des films les plus insoutenables jamais réalisés.

- Réalisateur : Rainer Werner Fassbinder
- Acteurs : Margit Carstensen, Ingrid Caven, Günter Lamprecht, Barbara Valentin, Adrian Hoven, Kurt Raab, Peter Chatel, Karlheinz Böhm
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand

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– Durée : 1h56mn
Cela fait vingt ans, en 2002, que Rainer Werner Fassbinder nous a quittés, à la suite d’un "suicide par overdose". Retour sur Martha, portrait au vitriol d’une femme oppressée par son monstrueux époux. Un des films les plus insoutenables jamais réalisés.
Le film démarre sur un ton fleur bleue, puis peu à peu le malaise et le cauchemar saisissent Martha (Margit Carstensen) et les spectateurs avec elle. Martha devient l’esclave des vexations psychologiques et physiques infligées par son mari (Karl-Heinz Böhm). Elle est d’abord montrée en victime, mais, progressivement, à force de soumissions silencieuses chaque fois plus intolérables, face à la barbarie souriante de son époux, Fassbinder pose la question de la part de responsabilité de Martha dans sa détresse.
On pense alors au Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire, dans lequel l’écrivain finit par blâmer son propre peuple pour sa lâcheté face à l’oppression blanche. Jusqu’à quel point sommes-nous les victimes de la tyrannie ? Pourquoi la révolte est-elle si nécessaire à tout individu ? Quand est-il trop tard ?
Fassbinder avec ce portrait de femme signe un des films les plus durs de sa carrière. Poète maudit dont l’engagement et la puissance des oeuvres restent aujourd’hui trop peu reconnus, Fassbinder, avec Martha, fait aussi le portrait de l’Allemagne des années 70, avec ses restes et ses résurgences totalitaires. Des relents fascistes hélas encore d’actualité un peu partout.
Martha est encore aujourd’hui un film extrêmement violent par son atmosphère et ses thèmes, réaliste même au fond du cauchemar. Un film sans aucune musique d’accompagnement, imprégné de sons d’oiseaux, de croassements de crapauds et de chiens au loin, rappelant secrètement la condition de petit animal domestique qu’est devenue Martha. Fassbinder joue lui-même la perversité sadique contre son actrice, la filmant au plus près, dans ses moindres faiblesses, révélant sans cesse, dans des lents travellings réflexifs, la machinerie dictatoriale du cinéma lui-même.
Une image de Martha peut rester dans les mémoires, celle de la fin : Martha assise sur un fauteuil roulant, détruite, impuissante, lobotomisée. Son mari derrière elle, debout, tient le fauteuil. Tous deux dans un ascenseur d’acier, barrage funèbre, les portes se referment, et le film de s’achever dans une des plus implacables fins de l’histoire du cinéma.