Mœurs de province
Le 2 novembre 2015
À l’écran, Madame Bovary revêt ses pires atouts. Tantôt sirène, tantôt silhouette, l’héroïne de Flaubert ne brûle jamais du feu qu’allument les songes. Le long-métrage indiffère, malgré ses emprunts d’ambiances aux films d’époque britanniques et une héroïne miraculeusement ordinaire.
- Réalisateur : Sophie Barthes
- Acteurs : Paul Giamatti, Rhys Ifans, Ezra Miller, Mia Wasikowska , Henry Lloyd-Hughes
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Allemand, Belge
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 4 novembre 2015
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À l’écran, Madame Bovary revêt ses pires atouts. Tantôt sirène, tantôt silhouette, l’héroïne de Flaubert ne brûle jamais du feu qu’allument les songes. Le long-métrage indiffère, malgré ses emprunts d’ambiances aux films d’époque britanniques et une héroïne miraculeusement ordinaire.
L’argument : Emma Rouault, fraîchement sortie du couvent, épouse Charles Bovary, un médecin de campagne qui se réjouit d’avoir trouvé la compagne parfaite. Emma occupe ses journées à aménager sa nouvelle demeure, dessine, joue du piano et reçoit avec élégance les visiteurs. Cette vie monochrome auprès d’un époux sans raffinement est bien loin des fastes et de la passion auxquels elle aspire. Ses rencontres avec M. Lheureux, habile commerçant, le Marquis d’Andervilliers, et Léon, jeune clerc de notaire, vont rompre la monotonie de son existence.
Notre avis : D’immenses réalisateurs ont égratigné leurs arts en s’approchant d’un peu trop près de l’ardente Madame Bovary. Renoir, Minnelli et Chabrol - pour ne citer que les plus célèbres - se sont épris à leur époque de l’héroïne inconsistante de Flaubert. La critique, populaire et professionnelle, a coutume de dénigrer les films adaptés du roman. La réalisatrice Sophie Barthes (Âmes en stock), considérée il y a quelques années comme l’un des espoirs du cinéma indépendant, s’est attaqué pour son second long-métrage à la mise-en-scène de cette figure mythique de l’inconscient collectif.
© Jour2fête
Œuvre majeure de la littérature mondiale, Madame Bovary a pris des amants parmi les artistes de chaque siècle. Au théâtre, en bande-dessinée, au cinéma, à travers des récits transfictionnels ou philosophiques, la jeune femme a marqué les esprits de son désespoir et n’abandonna à ceux qui la célébrèrent que le goût de l’amertume. Brisée par la mesquinerie de la société provinciale, Emma mourut noyée par la houle du sentimentaliste. Au 21ème siècle, elle mourrait tout autant, asphyxiée par la mesquinerie de ses pairs.
La Madame Bovary de Sophie Barthes ressemble davantage à Jane Eyre qu’au Don Quichotte de Cervantès. Sensuelle et arriviste, l’héroïne du film s’apparente plus à une aspirante bourgeoise dirigée par un goût du luxe. Cette impression s’explique notamment par le choix de la réalisatrice d’octroyer au personnage de Monsieur Lheureux (Rhys Ifans) un rôle prépondérant. Flagrante allégorie du capitalisme, le marchand aspire de l’envie d’Emma de posséder de belles choses toute la poésie, tout l’enivrement des sens. Pire encore, si l’on devine l’ennui de Madame Bovary à travers ses soupirs et sa propension à jouer les mêmes morceaux au piano, il n’est jamais fait état de son désir secret. Tour à tour garce et fantôme, elle n’exprime jamais sa folle envie de passion et d’émotions irraisonnées. En ce sens, le choix de Mia Wasikowska est fort peu à propos. Le classique jeu froid et atone de la comédienne dessert Emma, qui n’est alors plus qu’une coquille vide, animée seulement de sentiments frivoles.
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Malgré d’excellents acteurs, les choix de Madame Bovary ne font jamais sens. Dès lors, Ezra Miller nous semble trop affecté et Logan Marshall-Green peu charismatique. En outre, l’approche britannique adoptée par la cinéaste déroute. Les jeux de lumière, les feuilles d’automne, les couleurs pop échangent le réalisme contre le naturalisme. Pour peu, l’on se croirait dans une adaptation de Charlotte Brontë ou de Thomas Hardy.
Alors que Flaubert avait été attaqué en justice lors de la parution du livre pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs », il ne sera possible de reprocher à Sophie Barthes que son conventionnalisme. Chaque jour pourtant, les plus rêveurs sont rudoyés par une société déshumanisée et obsédée par le profit. Madame Bovary trouve un écho dans les open-spaces de multi-nationales, les couloirs de Pôle Emploi, les rues glacées de la capitale. Aurait-on oublié que les plus beaux fantasmes font les pires victimes ?
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