Détruire, disent-elles
Le 23 octobre 2007
Wellesienne en diable, une adaptation qui offre le meilleur du génial cinéaste.
- Réalisateur : Orson Welles
- Acteurs : Orson Welles, Roddy McDowall, Jeanette Nolan, Dan O’Herlihy, Edgar Barrier
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h47mn
- Voir le dossier : Shakespeare au cinéma
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– Reprise : le 10 septembre 2014
– Sortie DVD : 5 novembre 2014
Wellesienne en diable, une adaptation qui offre le meilleur du génial cinéaste.
L’argument : L’un des sommets de la tragédie shakespearienne. Ambition démesurée, meurtres à répétition et remords abyssaux.
Notre avis : A cinq ans, le petit Orson connaissait par cœur les répliques du Roi Lear ; avant sa carrière dans le cinéma, Welles l’Américain jouait Shakespeare à Dublin. Trois films illustrent, avec des fortunes diverses, ce lien particulier entre l’auteur de Citizen Kane et le poète anglais : Macbeth, réalisé à peu de frais en 1948, puis le sombre et magnifique Othello (en 52) et ce drôle d’objet qu’est Falstaff, en 66. Macbeth est le dernier film réalisé par Welles aux Etats-Unis ; après, il jette l’éponge et se lance dans l’aventure européenne. Son renom artistique est pourtant grand, Citizen Kane lui a ouvert les portes de Hollywood, mais le public n’est pas friand de ses audaces. Ni La dame de Shangaï ni La splendeur des Amberson ne font gagner de l’argent aux studios, dont l’ardeur artistique a les limites imposées par les cordons de la bourse. Qu’à cela ne tienne ! Orson Welles fait fi des obstacles et des moqueries de ses rivaux et concurrents, il tourne en un temps record (vingt-trois jours) l’adaptation ténébreuse de la pièce de Shakespeare, le tout dans des studios bon marché et en répétant les scènes au théâtre.
Macbeth n’a pas la perfection plastique et la mélancolie d’Othello, ni l’humour et la cocasserie dynamique de Falstaff. "L’enfer est morne", comme dit Lady Macbeth : film sombre sur l’orgueil, la malédiction et la folie sanguinaire, les noirs wellesiens sans équivalent reflètent une sorte de nuit perpétuelle où le plateau (de cinéma ou de théâtre ?) est étrangement présent, au moyen d’une science de l’éclairage assez étonnante. Comme si Welles, dans cette mise en scène de son propre orgueil - déçu - d’artiste, jouait avec cette contrainte (pas de "major", peu de décor) et choisissait de l’exhiber - avec son génie tellement inventif - au lieu d’essayer à toute force de la dissimuler par des artifices de mise en scène. Rétrospectivement, Macbeth a un peu le culot du Dogville : il fleure bon le studio mais tourne à son avantage ce qui pourrait être un défaut. Le film est bien sûr un objet de cinéma (gros plans obliques sur les regards en dessous, travellings, etc.) mais, à l’inverse des adaptations de Shakespeare qui vont suivre dans la carrière de Welles, Macbeth reste ancré dans une dimension théâtrale ingénieuse, qui se perçoit plus qu’elle ne se voit.
C’est aussi l’intérêt de ce film qui offre par ailleurs tout le meilleur de Welles : sa liberté (il élague le texte de Shakespeare et impose à ses acteurs l’accent écossais en plus de la langue fleurie et imagée du poète), l’humour dans la représentation de lui-même en roi tyrannique et maudit... sans parler de ces traces fortes, personnelles de sa créativité visuelle : le brouillard, la nuit, l’ombre - ce sont ceux à venir de Falstaff et de La soif du Mal.
Orson Welles-Macbeth, ivre et décadent, sème la mort et se tourne en ridicule. Il y a quelque chose de sadien dans cette mise en scène mélancolique et solitaire que Welles fait de lui-même dans tous ses films. Seul, acharné, méchant et ridicule, il cherche le moyen de transformer la terre, l’univers en une tabula rasa qui seule pourrait ressembler à son royaume. Mr Arkadin flottera pareillement entre l’auto-dérision et le Mal. Macbeth est un film à comparer aux meilleurs d’Orson Welles, et à revoir donc, pour le plaisir trouble et le sourire vague, amusé et inquiet, que suscite chacun de ses films.
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