Trempé jusqu’aux os
Le 3 mars 2024
Mendoza filme un Manille suffocant et détrempé avec tendresse, mais pêche par une mise en scène parfois horripilante.
- Réalisateur : Brillante Mendoza
- Acteurs : Jaclyn Jose, Mercedes Cabral, Julio Diaz, Felix Roco, Andi Eigenmann, Jomari Angeles
- Genre : Drame, Drame social
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h50mn
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 30 novembre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : Rosa et Nestor vivent dans les bidonvilles de Manille avec leurs trois enfants. Ils utilisent leur épicerie comme couverture pour vendre de la méthamphétamine. Une nuit, la police vient les arrêter.
Critique : Précis d’enfer à Manille, filmé avec tendresse et détresse par Brillante Mendoza. Sans complaisance aucune, sa caméra fouille les décombres de la cité à la recherche de l’humanité cachée sous l’indigence - l’on songe à Kinatay, Lola mais aussi Serbis, dont on retrouve les parents interprétés par Jaclyn Jose et Julio Diaz. Peintre de la famille jusque dans l’impossible, le Philippin montre que les relations sociales perdurent même là où la vie se replie sur elle-même. De très belles choses et même quelques fulgurances - voir cette scène de la tante insultant toute la famille mais se résignant finalement à l’aider à soudoyer les policiers. Mais les deux premiers tiers, noyés d’une part par la pluie assourdissante s’abattant sur le bitume de Manille, de l’autre par la logorrhée des policiers, finit par anesthésier. L’objectif de la caméra, toujours à trembloter, participe de l’oppression et de la claustration voulue par Mendoza, mais l’aridité du dispositif (dont la prise de son direct) trouve vite ses limites. Ce n’est pas la première fois que le cinéaste file ses plans-séquences de la sorte, et c’est peut-être le propre de sa radicalité, mais cette habitude stylistique a tendance cette fois à alourdir le propos. Pourtant écrits avec subtilité et force de détails romanesques, les personnages ne ressortent pas avec l’évidence habituelle. Il y a néanmoins des coups de force, comme ces lumières toujours aveuglantes se reflétant sur les chaussées détrempées, nimbant les protagonistes dans un espace diffus et irréel - le leur. Mais un sentiment de lassitude prévaut par instant.
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La vraie pertinence du film est toutefois de parvenir à désorienter le spectateur, jusqu’à lui faire perdre ses repères moraux. Policiers, malfrats, simples habitants lambda... L’on en vient par instant à douter de la position de chacun. Quelques policiers semblent aussi corrompus que les bandits qu’ils poursuivent. Bientôt, le père de la famille placé en cellule se retrouve avec l’uniforme du commissaire, achevant de brouiller les pistes, non sans humour (voir aussi la scène des bonbons, sucreries-paravents dissimulant le trafic de méthamphétamines). Qu’importe l’activité de chacun dans cette société : il n’y a jamais d’autre moyen pour les démunis que de survivre en multipliant inlassablement les petites combines, semble nous dire Mendoza. À l’instar de toute son œuvre, l’argent occupe d’ailleurs une place considérable. Tous ces billets qui passent de mains en mains sont autant d’objets transitoires servant quelque part à soudoyer la mort et le déclin. Dans cette nuit agitée dont l’action se limite aux courses de Ma’ Rosa, aux ruelles encombrées de Manille, au poste de police puis à la quête désespérée des enfants désireux de libérer leurs parents, le rythme est inégal. Tantôt frénétique, tantôt indolente, l’atmosphère ne choisit jamais et s’en trouve déséquilibrée. Ce problème assez mineur est renforcé par une réalisation plutôt en demi-teinte par rapport aux précédents métrages de Mendoza. Comme si un petit effondrement artistique, mine de rien, se produisait ce coup-ci. Si ce n’était cette dernière partie nettement plus réussie, qui voit en une catharsis touchante les enfants rechercher par tous les moyens la somme demandée par les policiers véreux, Ma’ Rosa passerait pour une œuvre secondaire du cinéaste.
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