Zone de turbulences
Le 2 avril 2012
Belle méditation sur le poids étouffant de l’exclusion et du silence, Low Life s’impose par la puissance lumineuse de ses images et le charme magnétique de ses acteurs.
- Réalisateur : Nicolas Klotz
- Acteurs : Camille Rutherford, Arash Naimian, Luc Chessel
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 2h04mn
- Date de sortie : 4 avril 2012
- Plus d'informations : Le site du film
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Belle méditation sur le poids étouffant de l’exclusion et du silence, Low Life s’impose par la puissance lumineuse de ses images et le charme magnétique de ses acteurs.
L’argument : Une communauté de jeunes gens s’organise. Une nuit, ils s’opposent à la police venue évacuer un squat d’Africains. Carmen fait la rencontre de Hussain, jeune poète afghan. Fous amoureux, les amants ne se quittent plus. Mais une malédiction plane dans la ville, des papiers portent la mort, des corps tombent. Paniquée à l’idée qu’il se fasse arrêter, Carmen lui interdit de sortir et s’enferme avec lui. Peu à peu, Hussain a le sentiment qu’elle le surveille.
Notre avis : C’est d’abord une étrangeté inquiète, presque étouffante qui pèse sur le dernier film de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval. De cages d’escaliers en squats aux volets clos, Low Life baigne dans une succession d’intérieurs sombres dont on ne sait pas trop s’ils constituent un rempart aux menaces du monde extérieur ou s’ils composent, à leur manière, un univers labyrinthique avec ses propres règles et ses propres dangers. Un seul guide : la parole. C’est elle qui, au détour de conversations sur le fric, les exclus, le pouvoir, une thèse de socio ou la poésie française, nous donne l’impression d’avancer à tâtons dans ce film qu’on croirait sans intrigue.
Mais la vérité de Low Life échappe aux discours verbeux ou polémiques : elle s’incarne plutôt dans un étrange ballet de corps et de mots perdus. Les mots, dans le film, servent moins à échanger des informations qu’à tenir secrètes une vérité, une identité. Le seul acteur qui pose des questions claires et exige des réponses, la police, est perçu comme une menace à part entière, agissant à la périphérie de l’espace clos où la tragédie s’exécute. Au mystère qui plane sur les disparitions et les meurtres dont le film rend compte, elle n’apporte d’autre réponse que traquer, chasser l’étranger, imposer massivement son corps, surveiller tous les espaces grâce aux caméras.
Cette volonté de savoir répond dans le film à une malédiction. D’étranges papiers circulent autour du feu. Les personnages qui gravitent autour du squat, assez jeunes pour la plupart, semblent aux prises avec une étrange menace de mort. Le thème de la noyade le rappelle fréquemment : séquence inaugurale, morts accidentelles, plongée suicidaire de Charles - incarné par un Luc Chessel magnétique, véritable révélation - dans une fontaine du centre-ville d’où il semble ressusciter. Si la menace n’est jamais clairement identifiée - un tort du scénario, qui entraîne quelques moments de flou chez le spectateur - elle n’en est pas moins réelle et pesante, couvée dans ce petit monde clos où les jeunes se côtoient et cherchent à réinventer un monde où l’étranger aurait sa place (voir la fable émouvante du jeune africain).
Low Life tisse donc un drame d’une grande finesse politique. C’est un film pesé, pensé, où les torts sont partagés, où tous les engagements ne se valent pas (celui de Carmen, par exemple, est clairement suspicieux). Porté par un certain pessimisme, il invente un espace politique où la tolérance et l’intégration l’emporteraient sur la peur. Mais il interroge aussi, d’une manière esthétiquement radicale, ce point-limite où l’idéal conduit à la déraison. Sa noirceur visuelle est lumineuse, portée par le travail d’Hélène Louvart qui lui insuffle ce clair-obscur d’une force bouleversante. Et si l’ensemble pourra paraître trop cérébral par endroits, il n’en demeure pas moins d’une redoutable actualité.
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