Moi je m’appelle...
Le 28 décembre 2019
Kubrick se frotte ici à un roman controversé de Nabokov, avec pour résultat une œuvre subversive dans son point de vue, mais qui constitue avant tout un réel délice cinématographique.
- Réalisateur : Stanley Kubrick
- Acteurs : Peter Sellers, James Mason, Shelley Winters, Sue Lyon, Jerry Stovin
- Genre : Drame, Romance, Teen movie
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h33mn
- Date télé : 23 septembre 2019 20:50
- Chaîne : France 5
- Date de sortie : 14 novembre 1962
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Résumé : Durant l’été, dans la petite ville de Ramslade, Humbert Humbert, un professeur de lettres divorcé et séduisant, loue une chambre dans la maison de Charlotte Haze, une matrone éprise de culture. Celle-ci essaie de séduire Humbert, mais ce dernier se montre beaucoup plus attiré par la juvénile Lolita.
Critique : « Comment a-t-on osé faire un film de Lolita ? » Ce slogan publicitaire utilisé comme outil de promotion lors de la sortie en salles du long-métrage résume bien le parfum (rose bonbon) de scandale presque mythique qui entoura aussi bien le livre de Nabokov que le film de Kubrick, dont le romancier lui-même développa le scénario. L’intérêt n’est bien entendu pas de porter un quelconque jugement moral sur le fait que les deux œuvres nous placent exclusivement du point de vue de Humbert Humbert, « monstre » porté sur les nymphettes, mais par ailleurs personnage fort spirituel et charmant, dont le raffinement appelle la sympathie du spectateur, au détriment des autres protagonistes qui paraissent obtus et grossiers. Certes, si la dimension morale est présente, ce n’est pas pour faire implicitement l’éloge des amours intergénérationnelles, mais plutôt en vue d’interroger avec piquant le pouvoir de suggestion de la littérature et du cinéma. Car une fois compris que les ruses de manipulation mises en œuvre par le héros rencontrent auprès de la jeune Dolores Haze un accueil plus que favorable, et que la concrétisation de la liaison entre l’homme mûr et l’adolescente n’est qu’une affaire de temps et de chassés-croisés jouissifs, la question pour le spectateur devient bientôt de savoir ce qu’il est possible de voir sur l’écran, et ce qui reste à imaginer. L’idée scandaleuse se transforme étonnamment en un obscur objet de désir cinématographique, dont nous savons pourtant qu’un code de bonne conduite et de bonne conscience va en interdire la représentation. Néanmoins, c’est nous qui sommes les victimes consentantes du jeu du chat et de la souris que décide Kubrick, et de même que Humbert Humbert ne peut s’empêcher de céder à ses attirances pour les filles pubères, nous sommes contraints par notre curiosité à en demander toujours davantage.
- Copyright Warner Bros.
Emporté ainsi par son récit, l’œuvre adaptée à l’écran réussit le bel exploit de délivrer presque deux heures et demie de film qui ne connaissent ni ennui, ni relâchement. Tout en conservant les grandes articulations du roman, la version cinématographique s’autorise assez de souplesse pour privilégier l’incongru des situations par rapport aux introspections méandreuses du héros, et mettre l’accent sur la vivacité des dialogues - lourdement chargés de connotations et de doubles sens... - plutôt que sur le côté lyrique qui faisait la profondeur du héros dans le roman. Conscient que les procédés du cinéma ne sont pas ceux de la littérature, Kubrick garde les ambiguïtés - qui sont le noyau déstabilisant de Lolita -, mais les déplace sans cesse, et leur donne volontiers un sens plus léger. Formellement très soigné, le film ne répugne pas par moments à une esthétique aux airs d’angélisme juvénile, qui se tourne elle-même en dérision avec la figure de petite peste adorable, incarnée par Sue Lyon. L’autre performance remarquable reste sans doute celle de Peter Sellers, dans un rôle « secondaire » d’écrivain fantasque, mais dont la logorrhée est menée avec brio. Il était donc bienvenu d’oser faire un film de Lolita ; et par des temps de conformisme intellectuel et artistique, il est également bienvenu d’oser le regarder.
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