Renaissance d’un mythe
Le 1er janvier 2020
La restauration du chef-d’œuvre d’un maître du cinéma. Lola Montès ou la perfection du septième art.
- Réalisateur : Max Ophuls
- Acteurs : Oskar Werner, Peter Ustinov, Paulette Dubost, Jean Galland, Martine Carol, Anton Walbrook, Willy Eichberger (Carl Esmond), Germaine Delbat, Ivan Desny, Héléna Manson, Henri Guisol, Lise Delamare, Will Quadflieg, Piéral, Ady Berber, Friedrich Domin
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Solaris Distribution, Dulac Distribution, Gamma-Film
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 14 novembre 2024 22:30
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 1er janvier 2020
- Date de sortie : 23 décembre 1955
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Résumé : L’ancienne courtisane déchue Lola Montès est exhibée dans un cirque de la Nouvelle-Orléans où un spectacle relate sa vie mouvementée. Une suite de flash-back s’attarde sur les moments-clefs de sa vie, de sa brève idylle avec Liszt à sa liaison scandaleuse avec le roi Louis de Bavière.
Critique : Lola Montès est paradoxalement l’un des films à la fois les plus célèbres et les plus méconnus de l’histoire du cinéma. Souhaitons que sa ressortie en salles parvienne à susciter le même choc créé par la réédition de Vertigo dans les années 80. Car disons-le sans réserves : cette œuvre flamboyante risque de détrôner Citizen Kane et autres Potemkine pour le titre du plus beau film du monde.
L’histoire du film a été aussi agitée que celle de son personnage. Vendu comme le récit de « la femme la plus scandaleuse du monde », il fut sifflé par les fans de Caroline chérie et autres Nana qui prirent en plein visage une œuvre d’avant-garde contemplative, quand ils s’attendaient à consommer un spectacle commercial pépère dans la lignée de ce qu’auraient filmé un Richard Pottier ou autres Christian-Jaque. Les producteurs, conscients du fiasco, remontèrent le film dans l’ordre chronologique, la mutilation n’entraînant pas davantage d’entrées. Le montage (presque) initial fut reconstitué par Pierre Braunberger dans les années 60 mais c’est seulement au Festival de Cannes 2008 que l’on put découvrir la Lola Montès originale. À sa sortie, le film fut l’objet d’une bataille d’Hernani des critiques. Défendu par les jeunes Turcs de la Nouvelle Vague (Truffaut en tête), Cocteau ou Rossellini, il devint très vite un classique des ciné-clubs.
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Outre la prouesse technique de la version remastérisée, qui permet d’apprécier le travail sur les couleurs de Christian Matras et les remarquables décors de Jean d’Eaubonne (surtout dans les séquences du cirque, comme la danse des Lilliputiens), la nouvelle version offre des passages inédits qui accentuent le côté crépusculaire : désespoir de la jeune Lola errant sur le pont du navire (admirable travelling ophulsien), fuite de Munich en calèche... La version originale allemande, pour les scènes se situant en Bavière, supprime définitivement les traces de post-synchronisation typique des coproductions de l’époque.
Sur le fond, Lola Montès révèle les préoccupations du cinéaste, peintre de la désillusion amoureuse. L’étiquette de « femme légère » de Lola cache son âme sentimentale, et la détresse de l’héroïne fait écho au chagrin de Joan Fontaine dans Lettre d’une inconnue (d’après Zweig) ou celui de Danielle Darrieux dans Madame de..., dont le comportement frivole masquait un désarroi affectif. « La vie, pour moi, c’est le mouvement », déclare Lola : cet aveu se confirme à la fois par ses voyages incessants et son papillonnage sensuel qui sont en fait la quête de son Graal amoureux.
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Quant au style, c’est de l’Ophuls puissance 10 : panoramiques et travellings, loin de créer des effets baroques gratuits, traduisent à merveille le sentiment de vertige (dans les deux sens du terme) qui s’empare de l’héroïne. Il suffit de se remémorer les séquences du trapèze ou celles du théâtre dans lequel Lola, refusant un mariage arrangé, s’enfuit de la loge familiale. On sait qu’Ophuls était agacé par le cinémaScope, qu’on lui avait imposé, mais l’usage qu’il en fait (notamment les effets en trompe-l’œil) est l’un des plus intelligents de l’histoire du cinéma.
Lola Montès peut rétrospectivement se lire comme une dénonciation de la société du spectacle et de l’obscénité de la télé-réalité : le calvaire de Lola, sommée de raconter les pans les plus intimes de sa vie, et qui finit dans une cage, est à ce titre révélateur. Soulignons au passage le jeu sensible et émouvant de Martine Carol, qui contredit sa réputation d’actrice limitée. L’aspect douloureusement autobiographique et prémonitoire de son rôle rend sa composition d’autant plus étonnante.
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