Dis-lui toi que je l’aime
Le 5 avril 2015
La poésie de ses situations et des acteurs exemplaires sont les ingrédients délicats d’un film magnifique.
- Réalisateur : Hong Khaou
- Acteurs : Ben Whishaw, Peter Bowles, Morven Christie, Pei-pei Cheng, Shane Salter
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Britannique
- Editeur vidéo : Outplay
- Durée : 1h26mn
- Titre original : Lilting ou la délicatesse
- Date de sortie : 15 octobre 2014
- Plus d'informations : La page Facebook du film
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Un long-métrage superbe dont la présence magnétique des acteurs ne fait que renforcer la grâce et la sensibilité.
L’argument : Dans le Londres contemporain, une mère sino-cambodgienne pleure la mort prématurée de son fils.
Son monde s’écroule et se trouve perturbé par la présence d’un étranger. Leur difficulté à communiquer les force à faire appel à un traducteur. Ensemble, ils commencent à reconstituer les souvenirs d’un homme qu’ils ont tous deux aimé.
Notre avis : Présenté au festival Sundance 2014, où il a remporté le prix de la meilleure photographie, le drame Lilting est le premier long-métrage du réalisateur Hong Khaou, qui a également participé au scénario. Voulant dépeindre une situation où la communication et le langage seraient aussi bénéfiques que néfastes, il a pris comme point de départ l’histoire de sa propre mère, réfugiée cambodgienne en Angleterre, qui, trente ans après son arrivée, ne maîtrise toujours pas la langue anglaise. Que se passerait-il si elle perdait son seul lien avec l’extérieur, à savoir son fils ? Comment parviendrait-elle à suivre une conversation et à s’intégrer à un nouveau groupe d’amis ? En s’attardant sur un étrange trio composé d’une mère dépendante en maison de retraite, de son fils naturalisé et parfaitement intégré qui lui cache son homosexualité et son compagnon qu’il fait passer pour un simple colocataire, Hong Khaou signe surtout un film sensible, tout en délicatesse et parfaitement maîtrisé.
{{Jour2Fête}}L’exercice aurait pu pourtant s’avérer fort périlleux. En intégrant au scénario une traductrice, qui permet autant aux personnages de communiquer entre eux qu’au public de saisir toutes les nuances des conversations, le cinéaste a pris le risque de casser le rythme de scènes primordiales où chacun tente difficilement de se faire comprendre. Les délicates nuances de communication et de langage laissent alors place aux véritables objectifs du film, qui sont de dépeindre les rapports humains et familiaux mais aussi la transmission et les conflits de générations, surtout lorsque ces liens sont compliqués par une maîtrise différente de la langue.
Dans une atmosphère pesante où les scènes drôles et légères sont rares, le ton solennel qui imprègne tout le film ancre les personnages dans une réalité immédiate, malgré l’hommage revendiqué aux années 80, à travers les décors et la musique. La maison de retraite où vit Junn, interprétée par une Cheng Pei-Pei stupéfiante de maîtrise et de retenue, semble ainsi la cloisonner dans un décor à l’ancienne, sensé être rassurant pour les autres pensionnaires mais tout aussi rébarbatif pour elle, qui ne s’est jamais sentie chez elle en Angleterre. Les scènes d’extérieur et les autres décors ne font que renforcer son manque de maîtrise sur ce qui l’entoure.
{{Jour2Fête}}Face à cette figure maternelle impressionnante, le personnage de Richard tente de faire le lien entre les souvenirs de son compagnon décédé et ce fils que cette femme qui ne l’a jamais accepté croyait connaître. Ben Whishaw livre une partition parfaite et témoigne une nouvelle fois de la profondeur de son jeu. Comme dans Le parfum, il n’a pas forcément besoin de parler pour combler chaque scène de sa présence silencieuse et parcourir chaque détail avec un regard habité qui veut dire beaucoup de choses. Il se glisse avec talent dans la peau d’un jeune homme dévasté, dont le seul lien avec l’amour de sa vie est une femme qui le rejette. Alors que la communication, le respect des parents mais également l’accompagnement des personnes âgées et dépendantes sont les grands thèmes du long-métrage, l’homosexualité et la façon dont la famille l’accepte sont traitées avec beaucoup de pudeur à travers le portrait d’un jeune couple. Toute la maîtrise du cinéaste est là : parvenir, en trois scènes seulement, à dépeindre l’amour profond qui existe entre deux personnages, et qui va conditionner ici tout le reste du film.
Un tel long-métrage, tellement bien ficelé qu’il représente à lui seul une leçon de cinéma, mérite qu’un large public le découvre. Souhaitons que sa présentation à divers festivals lui permettra de bénéficier d’une publicité méritée.
LE DVD
Chef d’oeuvre d’émotion retenue, d’une finesse incroyable, Lilting aborde les problèmes complexes de communication, d’acculturation, la difficulté de laisser partir, son enfant ou son grand amour, dans les affres de la mort. On en ressort le coeur gros, avec l’impression d’avoir assister à une sorte de chef d’oeuvre, très loin du film de coming-out réservé à un public communautaire.
Les suppléments :
Très belle interview de 19mn avec le cinéaste, qui explique avec beaucoup d’émotion sa démarche, le sujet, le casting des acteurs, entre la vedette internationale Ben Whishaw, ou Cheng Pei Pei, connu pour sa filmographie dans le kung-fu. Il évoque aussi deux films américains qui l’ont influencé, et une scène de tournage cocasse.
L’image :
L’image ne manque pas de douceur pour coller à l’ambiance mélancolique du film, traitant à la fois du deuil, de l’abandon et du vieillissement. La copie est subtile, présentant une palette de couleurs surannées, dans lesquelles on aime se lover, et un noir toujours plus profond. Une merveille d’étalonnage.
Le son :
Le DVD propose deux pistes, VO stéréo ou 5.1., qui, dans les deux cas, évoquent la même délicatesse que celle du titre, Lilting, qui signifie "chantant, cadencé" en français. Encore une fois, c’est l’aspect intime des relations humaines qui est mis en avant. La piste 5.1 nous invite à ce douloureux exercice de deuil avec une persuasion qui se faite tout en touche, en note et en émotion, celle fébriles de voix qui communiquent dans des langues qui ne se comprennent pas.
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