Lost in transaction
Le 29 septembre 2012
La mélancolie moderne de Tokyô hante le nouvel opus de Kiarostami. Un film sur le moment opportun, qui se laisse pourtant difficilement pénétrer par l’émotion.
- Réalisateur : Abbas Kiarostami
- Acteurs : Ryō Kase, Tadashi Okuno, Rin Takanashi
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Japonais
- Durée : 1h49mn
- Date de sortie : 10 octobre 2012
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 2012
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La mélancolie moderne de Tokyô hante le nouvel opus de Kiarostami. Un film sur le moment opportun, qui se laisse pourtant difficilement pénétrer par l’émotion.
L’argument : Un vieil homme et une jeune femme se rencontrent à Tokyo. Elle
ne sait rien de lui, lui croit la connaître. Il lui ouvre sa maison, elle lui propose son corps. Mais rien de ce qui se tisse entre eux en l’espace de vingt-quatre heures ne tient aux circonstances de leur rencontre.
Notre avis : Une séquence de Like someone in love résume le don de Kiarostami pour la musique intime, celle qui rythme le parcours de ces personnages toujours en décalage léger avec leur environnement et en réadaptation constante. Assise sur la banquette arrière d’un taxi, écouteurs dans les oreilles, Akiko, la jeune escort-girl perdue entre la fac et les bars, balaie du regard les lumières nocturnes de Tokyô au son d’une voix tremblante, celle de sa grand-mère qui l’a attendue en vain à la gare, toute la journée. Les sept messages téléphoniques s’égrènent, chacun plein d’espoir – les mots naturels et délicats que l’on adresserait à une personne aimée. Le taxi longe la gare, mais nous comprenons que le rendez-vous est manqué, et peut-être est-ce là le moteur essentiel de Like someone in love : les décalages de rythme qui séparent les êtres et défont les rouages de l’habitude et du quotidien. Ces infimes déphasages, Kiarostami les multiplie et les érige en principe de dramaturgie et de mise en scène – un personnage s’endort avant l’autre, un autre trop tôt ou trop précipitamment, etc. –, jusqu’à ce qu’il nous semble impossible de trouver, dans cet écheveau de trajectoires, un véritable moment opportun, c’est-à-dire un moment de réelle rencontre. Le premier plan, qui ouvre sur un bar où circulent des silhouettes qui se confondent et des visages qui parlent à des ombres ou à du hors-champ (ce faux désordre de la vie moderne), contient toute la douleur sourde du film et la question qu’il pose en creux – comment faire pour se rencontrer vraiment ?
Comme pour Copie conforme, Kiarostami voyage, et il a posé cette fois ses valises au Japon. De ce Japon, nous n’aurons que quelques – littérales – impressions, les lumières de la ville qui s’évaporent sur la vitre du taxi. Quelques souvenirs, autrement dit. Pourtant, le mouvement est inverse à celui de la romance italienne : de la froideur du dispositif – des étrangers dans un pays étranger, répétant pour eux-mêmes des mots étrangers –, nous glissions progressivement vers l’émotion et le moment de la mise à nu. Ici, le monde extérieur, duquel nous partons, est encore séduisant, mais la mise en scène l’assèche peu à peu, jusqu’à une âpreté extrême, à tel point qu’il devient peu à peu difficile de distinguer la rigueur du cinéaste de sa propension à une certaine forme de complaisance – celle consistant à prendre le spectateur au piège de son rythme. On croirait ainsi l’interminable séquence de dialogue dans la voiture, montée au centre du film et fondée sur une trouvaille scénaristique remarquable – la rencontre entre le client de l’escort-girl et le petit ami de celle-ci – érigée comme une installation plastique, destinée à épuiser peu à peu son dispositif et le sens qu’il s’était acharné à bâtir si fastidieusement. Tous les éléments, séparément, sont très beaux, mais le contentement qu’est censée procurer cette beauté confine à la lassitude. Cette navigation entre justesse et clichés vagues, économie dramatique et flottement rythmique empêche l’adhésion complète à la démarche de Kiarostami et à son « bel objet ». Assurément, la maîtrise est là, mais une maîtrise si sûre d’elle-même, si hautaine (le coup de théâtre final !) qu’elle finit par décourager.
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