Satan + Salomé = Syphilis
Le 9 décembre 2010
Schroeter filme la pièce sulfureuse d’Oscar Panizza dans la mise en scène romaine d’Antonio Salines en lui rajoutant un prologue et un épilogue. Du sur- Schroeter ?
- Réalisateur : Werner Schroeter
- Acteurs : Margit Carstensen, Magdalena Montezuma, Antonio Salines, Agnès Nobécourt, Kurt Raab, Heinrich Giskes
- Genre : Comédie, Fantastique
- Nationalité : Allemand, Italien
- Plus d'informations : http://www.centrepompidou.fr/Pompid...
- Festival : Rétrospective Schroeter à Beaubourg
L'a vu
Veut le voir
–
– Durée : 1h35mn
– Sortie en Allemagne : 12 mars 1982
Schroeter filme la pièce sulfureuse d’Oscar Panizza dans la mise en scène romaine d’Antonio Salines en lui rajoutant un prologue et un épilogue. Du sur- Schroeter ?
L’argument : Dieu et la Vierge Marie, écœurés par la débauche humaine, demandent au Malin de leur prêter main forte pour punir les corps tout en sauvant les âmes. D’après Oscar Panizza.
Notre avis : La célébrité de la pièce d’Oscar Panizza (1853 - 1921) Das Liebeskonzil - Le concile d’amour, brûlot rageur tournant en dérision l’église catholique, ne repose pas sur ses qualités littéraires et dramatiques, pourtant bien réelles, mais sur l’énorme scandale que provoqua sa publication à Zurich en 1894. A l’issue d’un procès qui enflamma l’opinion publique allemande, le tribunal de Munich condamna l’auteur à un an d’emprisonnement pour blasphème. Ce n’est qu’en 1967 que la pièce fut représentée pour la première fois sur scène.
Si on la joue assez régulièrement depuis sans que cela suscite des remous excessifs, la mise en scène d’Antonio Salines au Teatro Belli fit cependant beaucoup de bruit en Italie. C’est cette production scénique que Schroeter, enthousiasmé par le spectacle, choisit de filmer en 1981 dans la foulée du tournage de Tag der Idioten.
Ce sont donc les membres de la troupe romaine de Salines qui interprètent la Tragédie céleste en cinq actes de Panizza, des acteurs allemands leur prêtant leur voix.
Dans sa présentation du film avant la projection dans le cadre de la rétrospective au Centre Beaubourg Cyril Neyrat remarquait avec justesse que la mise en scène théâtrale de Salines était déjà très schroeterienne et que cela nuisait quelque peu à la force du film, condamnant le cinéaste à faire du sur- Schroeter .
L’épaisse couche de maquillage sur les visages, les costumes extravagants, le jeu outré proche de la pantomime, les effets comiques appuyés : tout cela relève d’une esthétique du grotesque qui pourrait paraître, à la longue, un peu fastidieuse et redondante. Il nous semble pourtant que le cinéaste, filmant le travail de son collègue, a su éviter la surenchère vaine et faire ressortir au contraire la profonde poésie du matériau qu’il avait choisi d’enregistrer.
La très belle idée d’un Paradis exsangue, théâtre mécanique et usé, aux acteurs fatigués, avec son Dieu Le Père cacochyme retombé en enfance, est concrétisée à l’image par l’incroyable matérialité des corps et des éléments (l’eau et le feu). L’impact visuel de toute la partie céleste, vraiment captivante, est très fort et le monologue final du diable couché dans la fange (joué par Salines lui-même) est bouleversant.
Ce sont plutôt le prologue et l’épilogue rajoutés par Schroeter qui pourront paraître superflus, le cinéaste adoptant, pour filmer le procès de Panizza, un registre satirique un peu laborieux qui rappelle, en moins convaincant, celui de la dernière partie de Palermo.
On s’amusera néanmoins aux prestations réjouissantes d’acteurs souvent vus chez Fassbinder (Kurt Raab, Margit Carstensen) et, bien sur, de l’indispensable Magdalena Montezuma.
Par contre, lorsqu’il filme en plan frontal la diatribe de Panizza face à ses juges, Schroeter, faisant, pour une fois, trop confiance au contenu de ce texte, n’arrive pas à trouver la distance qui éviterait l’impression d’une rhétorique un brin fastidieuse.
Présenté au Festival de Berlin 1982, Liebeskonzil suscita peu de réactions à sa sortie et reste inédit en France. Le film fit pourtant parler de lui en 1985 lorsqu’il fut interdit au Tirol sur demande du diocèse d’innsbruck, arrêt confirmé, c’est le plus surprenant, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 1994.
Même s’il est relativement mineur dans l’oeuvre de Schroeter Liebeskonzil reste un superbe et fascinant spectacle dont l’impact est loin d’être négligeable.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.