Ce cœur qui bat
Le 27 février 2014
Classique du cinéma français sous l’Occupation, ce conte de Carné et Prévert est emblématique du courant fantastique de la période.
- Réalisateur : Marcel Carné
- Acteurs : Alain Cuny, Jules Berry, Fernand Ledoux, Gabriel Gabrio, Jean d’Yd, Arletty, Marcel Herrand, Pierre Labry, Roger Blin, Marie Déa, Piéral
- Genre : Drame, Fantastique, Noir et blanc, Drame fantastique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mission
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 2h00mn
- Reprise: 19 octobre 2016
- Date de sortie : 5 décembre 1942
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Résumé : Messire le Diable délègue, sous l’apparence de ménestrels, deux de ses suppôts, Dominique et Gilles, pour semer malheur et destruction sur Terre en l’an de grâce 1485. Alors que Dominique réussit sa mission en soumettant à son emprise séductrice le baron Hugues et Renaud, le fiancé de la fille du baron, Anne, Gilles faillit à sa tâche en succombant amoureusement devant la pureté d’Anne à laquelle il ne devait apporter que tourments. Leur amour déchaîne le courroux du Diable qui intervient en personne pour achever son œuvre de désolation comme il l’entend.
Critique : Tourné partiellement en zone libre, aux studios de la Victorine de Nice, Les visiteurs du soir est la cinquième collaboration de Marcel Carné et Jacques Prévert. Après l’univers du réalisme poétique du Quai des brumes et du Jour se lève, les deux artistes se sont laissés portés par un certain courant fantastique qui a irradié le cinéma français sous l’Occupation, avec des œuvres aussi diverses que La main du Diable (1943) de Maurice Tourneur ou La fiancée des ténèbres (1944) de Serge de Poligny. Situer l’action au Moyen Âge permettait en outre aux auteurs de manier avec aisance l’allégorie, dans un contexte de censure vichyste. Le thème des amants désunis cher à Prévert est ainsi doublé d’une parabole sur le contexte politique de la période, le Diable symbolisant l’occupant allemand, le château du baron Hugues le gouvernement de collaboration et les deux amoureux les tourments de la Résistance. Transformés en statues de pierre par le Malin, Anne et Gilles voient ainsi leur cœur continuer à battre au grand dam de Satan. Le scénario est aussi un subtil marivaudage avec le personnage androgyne de Dominique, interprété avec grande classe par Arletty. Habillée en homme et prise comme tel, elle réussit à se vêtir en femme et assurer son contrat de séductrice maléfique en exerçant ses charmes auprès de deux hommes (le châtelain et son futur gendre), persuadés tous deux d’être les seuls à connaître le secret du faux jeune homme. Cette audacieuse digression sur le genre et ses sentiments ne choqua nullement, de par le ton décalé suscité par un traitement féérique de la romance.
Sur le plan esthétique, Marcel Carné s’est entouré du remarquable travail de décor de Georges Wakhévitch mais aussi d’Alexandre Trauner, non crédité au générique, particulièrement appréciable lors de la scène des deux banquets. Adoptant des ruptures de ton et passant avec aisance de scènes baroques (la danse des trois nains) à des séquences de comédie ou de romance, Marcel Carné est le maître d’œuvre d’un spectacle inspiré, qui culmine avec l’entrée dans le château d’un « voyageur égaré qui demande l’hospitalité pour la nuit ». Le génial Jules Berry est tout bonnement époustouflant avec cette composition de diable goguenard et sarcastique. Il est bien épaulé par Fernand Ledoux, sobre comme à son habitude, et qui incarne un touchant baron Hugues. Marcel Herrand est quant à lui dans la peau d’un « grand seigneur méchant homme » qui préfigure son fabuleux Lacenaire des Enfants du paradis. La seule faille dans l’interprétation est de taille, puisqu’elle réside dans le jeu des deux jeunes premiers. Marie Déa est un peu froide dans le rôle d’Anne et Alain Cuny, au débit trop lent, n’était pas encore le comédien chevronné de la scène qu’il allait devenir. On regrettera aussi une musique envahissante et redondante, qui accentue le coup de vieux porté à certaines séquences. Ces réserves n’empêchent pas Les visiteurs du soir d’être une pierre précieuse de notre patrimoine.
– Grand prix d’art du cinéma français 1942
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