Grand corps malade
Le 2 février 2015
Dénonciation virulente du Japon corrompu des années 60 par un cinéaste humaniste. Akira Kurosawa est brutal, Toshirō Mifune émouvant, le Japon s’est fait berner. Comme tout est affaire de morale, la condition humaine est déboussolée. Et le cinéma devient implacable !
- Réalisateur : Akira Kurosawa
- Acteurs : Tatsuya Mihashi, Takashi Shimura, Toshirō Mifune, Gen Shimizu, Masayuki Mori, Chishū Ryū, Kyōko Kagawa, Kamatari Fujiwara, Nobuo Nakamura, Kōji Mitsui (Hideo Mitsui), Takeshi Katō, Kōji Nambara
- Genre : Drame, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 2h15mn
- Reprise: 21 août 2024
- Titre original : Warui yatsu hodo yoku nemuru
- Date de sortie : 21 juillet 2004
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– Année de production : 1960
– Reprise en version restaurée : 21 août 2024
Résumé : Dans le Japon de l’après-guerre, un mystérieux justicier tente de semer la désolation au sein d’une entreprise prospère dirigée par des financiers véreux.
Critique : Un enterrement. À quelques mètres de là, une voiture. À l’intérieur, deux hommes. L’un observe l’autre sans froncer le sourcil. Inquiétude étrangeté dans ce comportement insensible. L’autre est terrifié. Cette cérémonie funèbre qu’il voit le pousse à son paroxysme. Il transpire, tremble des mains, son corps rejette toute défense. Il a peur de ce qu’il voit et de ce qu’il entend. Le son et l’image, deux armes qui terrassent l’idéologie nauséabonde de ce poltron. Grand moment de cinéma !
1960. Quinze années séparent le Japon de son histoire apocalyptique. Kurosawa n’oubliera jamais. Son cinéma aura vu plusieurs changements, plusieurs influences (américaine, surtout) mais son raffinement continuera de régner au sein la sauvagerie du cœur humain. Rashomon et son Lion d’or à Venise (1950) lui apporteront la reconnaissance internationale. Dans son pays, ce sera une autre paire de manches. Quelque gros succès mais pour ses trop nombreux détracteurs, Kurosawa devient trop officiel et pas assez bagarreur. Réponse de l’intéressé : Les salauds dorment en paix.
L’Office, industrie japonaise florissante mais dirigée par une bande de pourris. Parmi ces assassins sans visages, une exception en la personne de Nishi. Jeune homme discret, secrétaire particulier et gendre du PDG. Nishi aime sa femme mais déteste l’infâme beau-père. Secret enfoui qui ne va pas tarder à refaire surface. Bras vengeur et porte-parole de Kurosawa qui avec cette charge virulente veut "démasquer cette race et faire un film sur la corruption de la haute finance".
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Kurosawa s’est toujours senti obligé d’observer le Japon sous tous ses angles, sur plusieurs années, que ce spectacle plaise ou non. Il refuse obstinément cette société méconnaissable où l’amour finit par devenir poussière. Acte réfléchi et passionnel qui incite l’auteur à montrer des visages grimaçant et peu sociables (les dirigeants de l’Office) face à un homme esseulé, vidé de son humanité et préférant foutre sa vie sentimentale en l’air (émouvante interprétation de Toshirô Mifune).
À un moment du film, Nishi retient prisonnier un des employés de l’Office. Après avoir maquillé son enlèvement en suicide, il l’oblige à assister à son propre enterrement, caché dans une voiture. Scène importante car rondement menée par une mise en scène inventive. En découvrant le pot-aux-roses, cet employé minable reçoit une vérité chaotique en pleine face. Cette entreprise qu’il considérait loyal en apparence n’est qu’un ramassis de crève-la-faim prêts à se bouffer entre eux.
Une nouvelle décennie approche (les années 60) et qui verra la fin d’un règne, celui d’un homme en proie à ses doutes. Kurosawa se détache de cette société pour un temps certain. Il reviendra avec Dersou Ouzala (1975), mais pour l’instant, c’est le noir absolu !
Le DVD
Le(s) suppléments à ne pas rater : Hormis quelques photos et une filmographie de l’Empereur du cinéma japonais, il n’y a pas de quoi se lécher les babines. Deux documentaires assez courts reviennent sur la conception du film. L’un (Le défi d’Akira Kurosawa) parle de la difficulté de réaliser un projet sur la corruption dans une société totalement corrompue. D’anecdotes en anecdotes, on perd progressivement le fil jusqu’à trouver cela redondant. Le second film (Dans l’ombre du guerrier) est tout aussi touffu. Masahiko Kumada, l’assistant fétiche de Kurosawa nous explique la méticulosité du travail de son maître allant même jusqu’à nous révéler que ses colères traduisaient une envie d’aller toujours plus loin.
Image & son : Le son est clair, net et sans fioriture. Une piste mono magnifiquement bien restaurée. L’image présente quelques défauts surtout dus à une trop grande luminosité dans la restauration. Mais l’ensemble convainc.
Galerie photos
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