Subjectivité névrotique
Le 15 janvier 2013
Un film expérimental sur les notions de névrose et de déchéance dans le Japon des années 60. Un grand film de Oshima, qui annonce L’empire des sens.
- Réalisateur : Nagisa Oshima
- Acteurs : Mariko Okada, Katsuo Nakamura, Yumiko Nogawa, Masako Yagi, Shôichi Ozawa
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h28mn
- Titre original : Etsuraku
- Date de sortie : 4 juin 1986
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– Année de production : 1965
L’argument : Devenu assassin pour venger Shoko, la femme qu’il aime en secret, Wakizaka doit accepter le marché que lui propose l’unique témoin du meurtre, un fonctionnaire coupable d’avoir détourné 30 millions de yens : garder le butin jusqu’à sa sortie de prison. Mais Shoko s’est mariée avec un autre, et Wakizaka décide un jour de dépenser tout l’argent en un an, puis de se suicider.
Notre avis : Découvert en France vingt ans après sa sortie japonaise, Etsuraku a été affublé d’un titre commercial un brin trompeur destiné à stigmatiser l’univers de l’auteur de L’empire des sens. C’est avant tout un récit tant épuré qu’esthétisant sur un cheminement affectif, avec une trame policière (les 30 millions de yen) tenant lieu de MacGuffin hitchcockien. Alternant plans-séquences et surimpressions, Oshima se livre à une critique de la société nippone dont la rigidité alimenterait bien des frustrations et pulsions inavouables. Ne pouvant avoir de relations sentimentales et sexuelles avec Shoko, Wakizaka trouvera par le meurtre un moyen de tuer son double maléfique, et reportera sur les quatre femmes qu’il rencontrera ses fantasmes de pouvoir et de domination ; ces maîtresses (une fille facile de bar, une épouse attentionnée, une femme active indépendante et une prostituée), au-delà de la diversité des visages de la condition féminine qu’elles présentent, possèdent les symptômes de l’aliénation, de par leurs attaches affectives et/ou leur attirance pour les richesses matérielles. Dans le Japon du « grand bond en avant », les sarcasmes implicites d’Oshima n’en sont que plus évidents. En même temps, le récit a les aspects d’un songe narratif : la voix off au débit rapide du personnage principal donne à l’œuvre des airs de litanie, accentués par les quelques jeux avec la linéarité (Shoko dans sa robe de mariée, qui ouvre et clôt le récit, a l’allure d’un mirage récurrent). On a dès lors l’impression de revisiter certaines perles noires hollywoodiennes (Laura), mais dans un ton avant-gardiste qui préfigure l’univers d’un Raoul Ruiz. Radioscopie d’une « subjectivité névrotique » selon Jean Douchet, Etsuraku est une pièce maîtresse dans la filmographie de Oshima.
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