Le 26 décembre 2015
Konchalovsky propose une réflexion mélancolique sur un monde qui disparaît, tout en s’interrogeant sur le cinéma contemporain.
- Réalisateur : Andrei Konchalovsky
- Acteurs : Aleksey Tryapitsyn, Irina Ermelova, Timur Bondarenko
- Genre : Drame
- Nationalité : Russe
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h41mn
- Date de sortie : 15 juillet 2015
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– Sortie DVD : le 29 décembre 2015
Konchalovsky propose une réflexion mélancolique sur un monde qui disparaît, tout en s’interrogeant sur le cinéma contemporain.
L’argument : Coupés du monde, les habitants des villages autour du lac Kenozero ont un mode de vie proche de celui de leurs ancêtres : c’est une petite communauté, chacun se connait et toute leur activité est tournée vers la recherche de moyens de subsistance. Le facteur Aleksey Tryaptisyn et son bateau sont leur seul lien avec le monde extérieur et la civilisation. Mais quand il se fait voler son moteur et que la femme qu’il aime part pour la ville, le facteur décide de tenter une nouvelle aventure et de changer de vie.
Notre avis : Sur une toile cirée colorée, des mains usées manipulent quelques photos qu’une voix off commente : c’est la première séquence du film, programmatique ; Konchalovsky y inscrit son film dans le réel, celui d’une vie avec ses moments doux et les changements que le temps impose : tel voisin est disparu, tel autre s’est noyé, ivre de vodka. C’est bien la promesse du film, ne pas tricher pour raconter cette histoire minuscule, avec peu d’acteurs professionnels, tournée dans les lieux authentiques. La suite le prouve, qui va suivre les tournées du facteur dans leur caractère répétitif : incidents minimes, discussions sans intérêt, commissions du quotidien. Mais c’est aussi la fin d’un monde que le cinéaste enregistre : de moins en moins de courrier, les maisons abandonnées. Sur « l’autre rive », le temps s’est arrêté, à la manière d’un disque rayé qui reprend sans cesse le même passage : les mêmes plans reviennent, avec par exemple cette vue des pieds du facteur à côté de savates usées.
Mais Konchalovsky, en même temps qu’il offre un témoignage précieux sur un village hors de son époque, réalise un film « contre » : contre la narration dominante, avec son montage lent et son manque absolu de péripéties ; contre aussi l’effet de réel télévisuel. Les extérieurs sont ainsi prétexte à de longs temps contemplatifs, que ce soit sur l’eau (la belle séquence à la recherche de la sorcière) ou dans les champs ; certains plans évoquent des paysages peints aussi bien que des natures mortes. Mais le cinéaste saisit aussi le vent dans les branches ou les rides sur l’eau, comme une volonté de retrouver l’épure bressonienne qu’il revendique souvent. Il filme un temps immobile, allergique au changement, même si une péripétie, la seule, vient gripper cette réalité figée : le vol du moteur. D’une certaine manière, le réalisateur russe propose une vision un peu réac de sa société : rien ne vaut la terre, la nature et les gens simples. Poutine n’y trouverait sans doute rien à redire, les vraies valeurs mises en exergue lui convenant parfaitement. Sauf que les gens présents à l’écran, certes solidaires entre eux, sont montrés avec leur part sombre : frustration sexuelle, alcoolisme, aliénation télévisuelle, solitude poisseuse.
Pour contrer l’autre esthétique dominante, celle de la télé réalité, Konchalovsky reprend ses codes (lumière crue, point de vue fixe et haut placé dans les intérieurs), mais les subvertit par le « contenu » : là où de jeunes écervelés débitent des propos de cour de récréation, les personnages des Nuits blanches du facteur ne disent rien, confinés dans un espace enfermant (voir les nombreux sur-cadrages) et vivent un présent éternellement recommencé. Même leurs discussions tournent en rond, limitées à des rabâchages et des banalités, malgré quelques tentatives vite avortées de réflexion (la fameuse âme slave à peine évoquée) ou des embryons narratifs (la référence à Un Homme et une femme, ou le massage qui ne devient pas érotique). En ce sens, le film est une immense frustration qui joue sur les attentes du spectateur pour mieux les décevoir.
On trouvera selon son humeur que la contemplation en lieu et place d’une histoire charpentée captive par son rythme lent et sa beauté tranquille ; ou, au contraire, l’irritation peut gagner très vite et se transformer en ennui pesant. Mais la tentative de réaliser un film hors du temps, loin des canons contemporains, mérite un œil attentif et un a priori favorable.
Les suppléments :
Un seul bonus, un entretien en français avec le cinéaste de 11 minutes, propose un regard distancié et intéressant sur ses intentions. C’est néanmoins un peu court.
L’image :
On est sur les sommets du supports DVD : que ce soit le grain de la peau, la texture du bois ou les feuilles au vent, tout est d’une précision et d’une finesse impériales.
Le son :
Les deux pistes proposées (5.1 et stéréo, seulement en VO sous-titrée) mettent en valeur la richesse de la bande-son, équilibre fin entre bruitages minimaux (la mouche, l’argent contre la table), musique assourdie et dialogues limpides.
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