Le 25 mai 2021
Les Hauts de Hurlevent d’Andrea Arnold est sans nul doute la meilleure adaptation de l’œuvre somme d’Emily Brontë, la cinéaste privilégiant l’imagerie naturaliste tout en symbolisme à la sève verbeuse et didactique du roman pour mieux restituer l’esprit du matériau d’origine. Un poème cinématographique renversant.
- Réalisateur : Andrea Arnold
- Acteurs : Kaya Scodelario, James Howson, Solomon Glave, Shannon Beer, Paul Hilton
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 2h09mn
- VOD : YouTube, MyCanalVOD, Orange, PlayStore
- Titre original : Wuthering Heights
- Date de sortie : 5 décembre 2012
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Résumé : Dans l’Angleterre du XIXe siècle, M. Earnshaw, un fermier des landes venteuses du Yorkshire, élève seul ses deux enfants, Hindley et Cathy. Un jour, il recueille un jeune vagabond et le baptise Heathcliff. Cathy va aussitôt le protéger face aux violences de Hindley, raciste et fou de jalousie de l’attention que son père porte à cet étranger indésirable.
Critique : L’adaptation d’une des plus grandes œuvres littéraires de l’histoire britannique semblait être pour Andrea Arnold, digne héritière symbolique de la cinéaste Jane Campion, notamment dans la représentation de la féminité au cinéma, un pari artistique insatiable tout autant qu’un passage obligatoire de sa filmographie florissante, le propos de l’œuvre somme d’Emily Brontë étant peu ou prou d’une terrifiante actualité. Aussi, Arnold a décidé de s’émanciper drastiquement des précédentes adaptations du roman pour en proposer une relecture où la forme épouserait le fond, où l’éclosion de la passion trouverait son origine non pas à travers le verbiage amoureux ou la relation épistolaire mais plutôt par le biais d’une mise en scène teintée d’onirisme. Les Hauts de Hurlevent version Arnold privilégie le bruit à la fureur, les chuintements de la nature aux déclarations d’amour didactiques, le poème visuel à la fougue irraisonnée de la romance interdite. En définitive, tout en réinterprétant avec une énergie vigoureuse le non-dit dévastateur et le refoulement caractéristique de la littérature victorienne, Andrea Arnold perpétue l’héritage féministe transmis par Brontë avec une puissante décharge émotionnelle.
Deux ans après Fish Tank, Andrea Arnold confirme son génie pour peindre le sentiment amoureux avec cette nouvelle adaptation teintée d’un naturalisme hypnotique, Le battement d’aile d’un papillon ou la bourrasque de la Lande anglaise traduisant le récit d’émancipation du personnage de Heathcliff face à Catherine Earnshaw. Le travail d’Arnold était en apparence difficile car il fallait qu’elle conjugue le récit éclaté de ces deux personnages en y injectant à la fois sa relecture analytique par rapport au roman tout en dissimulant ici et là ses propres obsessions, cette modernité salvatrice qui rappelle que le sujet ne doit jamais laisser présager du traitement. Earnshaw et Heathcliff, dont les aspirations dépassent le cadre castrateur de leur milieu, ont du mal à se dépêtrer de la nature violente et impulsive de leur monde, un monde qu’il faut avant tout conquérir afin de pouvoir exister. Earnshaw, la protagoniste principale, était déjà l’avatar artistique de l’auteure Emily Brontë, celle-là même qui avait accompli son devoir politique et délibérément contestataire et créé par la seule force de sa plume un porte-étendard de ses idéaux. Arnold l’avait décelé et son défi, hautement relevé, en tant que cinéaste, était de conserver l’esprit du matériau d’origine, tout en utilisant ses outils de transposition comme la composition, le montage ou la performance d’acteur en tant qu’élément à part entière du cadre pour donner à son film un aspect visuellement parlant.
Outre son esthétique renversante, Les Hauts de Hurlevent vaut surtout pour sa façon si singulière d’esquisser la passion abolie avec une insondable pureté de ton et une empathie certaine pour le personnage de Heathcliff, qu’Arnold a voulu transformer en ancien esclave noir affranchi. En définitive, Andrea Arnold rejoint le collectif très fermé des réalisateurs parvenant à mêler une culture très classique à une forme moderne et populaire, un talent assez rare ou du moins qui semble se perdre à mesure que le temps passe.
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