Guerre des gangs à Asakusa
Le 8 janvier 2011
Cet amalgame esthétisant de mélo, de film noir et de drame social en costumes, mis en scène avec brio et visuellement splendide, est un spectacle extrêmement divertissant marqué du sceau de la dérision et de la mélancolie.
- Réalisateur : Seijun Suzuki
- Acteurs : Akira Kobayashi, Chieko Matsubara, Osamu Takizawa, Akira Yamauchi
- Genre : Comédie dramatique, Action, Historique, Mélodrame
- Nationalité : Japonais
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema
- Festival : Hommage à Takeo Kimura à la MCJP
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– Titre original : 花と怒濤 - Hana to dotō
– Sortie au Japon : 8 février 1964
Cet amalgame esthétisant de mélo, de film noir et de drame social en costumes, mis en scène avec brio et visuellement splendide, est un spectacle extrêmement divertissant marqué du sceau de la dérision et de la mélancolie.
L’argument :Un jeune Yakuza épris de la fille qui doit épouser le chef de son clan, kidnappe la promise et s’enfuit avec elle. À Tokyo, il se cache sous l’identité d’un ouvrier, tandis que la jeune femme devient serveuse d’un restaurant.
Notre avis : On connaît surtout Seijun Suzuki pour Le Vagabond de Tokyo (1966) et La marque du tueur (1967), sommets de cinéma maniériste et subversif tournant en dérision les règles du film noir, qui causèrent son renvoi de la Nikkatsu mais ont acquis depuis longtemps un statut de films cultes.
Hana to dotō - Les fleurs et les vagues, qui leur est antérieur puisqu’il est sorti au Japon en février 1964, ne jouit pas de la même réputation. Il est vrai que les audaces formelles, nombreuses et brillantes, n’y dynamitent pas un récit dont le cinéaste semble se soucier néanmoins assez peu, multipliant les sautes dans la narration et les ruptures de ton.
L’intrigue, assez rocambolesque, ne tient pas vraiment la route, mais permet de passer allègrement du mélodrame des amours impossibles à la critique sociale, voire politique, en passant par le film de Yakusa ou la comédie avec une maestria égale dans tous les registres. Certes le trait est parfois appuyé et le mécanique l’emporte parfois sur le vivant, notamment dans la description truculente de la troupe des ouvriers du chantier dont l’un se promène avec une urne funéraire tandis qu’un autre ne s’habille qu’en costume cravate. Mais l’élégance nerveuse de la mise en scène et des trouvailles fulgurantes ne tardent pas à réveiller l’intérêt du spectateur quand il tend à se relâcher.
Les personnages, hauts en couleurs, semblent tout droit sortis d’une bande dessinée et restent stéréotypés, mais une troupe d’acteurs en verve parvient néanmoins à leur donner du relief et même, par instants, une certaine profondeur. Akira Kobayashi, connu aussi comme chanteur de variété, a vraiment de l’allure en héros solitaire et fatigué se battant contre un monde brutal et corrompu et en homme déchiré par deux amours inconciliables. L’énergique Manryu, geisha qui a roulé sa bosse et n’a pas froid aux yeux (elle se désigne elle-même comme femme-bandit) rappelle d’autres prostituées au grand coeur vues ici ou là mais ne manque pas de panache non plus, et le ténébreux tueur balafré au chapeau noir qui ne cesse de croiser la route du protagoniste et dont l’identité et les motivations ne sont jamais vraiment explicitées ne manque pas d’intriguer. Ce jeune homme mystérieux et inquiétant n’est pas sans parenté avec l’étrange tueur morphinomane de Fleur pâle de Masahiro Shinoda.
L’action se déroule aux alentours de 1930 et la reconstitution du quartier populaire d’Asakusa à Tokyo permet au décorateur Takeo Kimura, également co-scénariste du film, de faire une éblouissante démonstration de son talent en associant l’exactitude du détail à une stylisation qui créée une délicieuse sensation d’irréalité.
Les talents conjugués de Kimura, auquel la Maison de la Culture du Japon à Paris rend hommage du 6 au 20 janvier 2011, du chef opérateur Kazue Nagatsuka et de Suzuki font merveille tout au long du film et tout particulièrement dans une séquence finale d’anthologie se déroulant au milieu d’amas de neige et dont on veut croire jusqu’au bout qu’elle débouchera sur une issue heureuse : le départ tant espéré vers un ailleurs (la Mandchourie) annoncé dès le générique par un plan magnifique montrant des voiliers navigant sur une mer agitée.
Si l’ironie et le sens de la dérision propre à Suzuki sont très présents tout au long de ce film extrêmement divertissant et visuellement splendide, Hana to dotō est aussi marqué du sceau d’une mélancolie qui lui confère une gravité inattendue.
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