Arletty, Garance mythique pour Carné-Prévert
Le 16 juillet 2013
Ce monument du cinéma, tourné sous l’Occupation et sorti à la Libération, marque l’apogée de la collaboration entre Carné et Prévert et l’aboutissement du réalisme poétique français.
- Réalisateur : Marcel Carné
- Acteurs : Pierre Brasseur, Gaston Modot, Pierre Renoir, Jean Carmet, Paul Frankeur, Marcel Pérès, Arletty, Jean-Louis Barrault, Maria Casarès, Marcel Herrand, Louis Salou, Robert Dhéry, Léon Larive, Fabien Loris, Étienne Decroux, Louis Florencie, Habib Benglia, Albert Rémy, Auguste Boverio, Paul Demange, Lucienne Legrand, Guy Favières, Jean Lanier, Jacques Castelot
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Noir et blanc
- Distributeur : Pathé Distribution, Tamasa Distribution
- Durée : 3h02mn
- Date télé : 7 avril 2024 23:42
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 21 février 2018
- Date de sortie : 9 mars 1945
- Festival : Festival de Venise 1946
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Résumé : Paris, 1828. Sur le boulevard du Crime, au milieu de la foule, des acteurs et des bateleurs, le mime Baptiste Deburau, par son témoignage muet, sauve Garance d’une erreur judiciaire. C’est ici que commencent les amours contrariées de Garance, femme libre et audacieuse, et de Baptiste qu’elle intimide et qui n’ose lui déclarer sa flamme. Mais aussi ceux de Nathalie, la fille du directeur du théâtre, qui aime Baptiste, et Frédérick Lemaître, un jeune acteur prometteur, qui entame une liaison avec Garance, tandis que cette dernière aime aussi Baptiste en secret.
Critique : Tournée en pleine Occupation, aux studios de la Victorine de Nice puis à Paris, cette superproduction a bénéficié de moyens exceptionnels. Certains artistes (le décorateur Alexandre Trauner, le compositeur Joseph Kosma) durent toutefois travailler dans la clandestinité en raison de leurs origines juives. Sorti à la Libération, le film reçut un accueil public et critique triomphal, mais Carné dut recourir à Pierre Renoir pour rejouer les scènes avec le traitre Jéricho, initialement interprété par Robert Le Vigan, acteur de génie mais collaborateur notoire... Les enfants du paradis est découpé en deux périodes avec entracte : Le boulevard du crime et L’homme blanc. Carné collabore pour l’avant-dernière fois avec Jacques Prévert, auteur de dialogues qui feront partie de la légende du cinéma : « Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour », répond ironiquement Garance au dragueur Frédérick Lemaître, campé par un Pierre Brasseur sublime de verve et de drôlerie. En situant l’action dans le Paris de Louis-Philippe, mêlant personnages réels (Lemaître, Deburau, le tueur Lacenaire) et fictifs, les auteurs optent pour un ton feuilletonnesque et rendent hommage à une époque où le spectacle vivant était roi. C’est à l’occasion d’un numéro de mime de Baptiste (Jean-Louis Barrault, lunaire et poétique) que Garance rencontre l’homme qui sera l’amour de sa vie. C’est dans une salle de spectacle de seconde catégorie que Frédéric devient une star, jouant en le parodiant le mélodrame L’auberge des Adrets. C’est dans une loge luxueuse qu’il retrouve, dix ans plus tard, une Garance embourgeoisée mais toujours sincère et fidèle à son idéal de liberté. Le film multiplie les correspondances entre le théâtre et la réalité, du rideau se levant et se fermant en début et fin de récit à la séquence finale, qui voit Deburau séparé de Garance par la foule du carnaval, en passant par la « pièce dans le film » : Les enfants du paradis rejoint ici ces œuvres qui du Carrosse d’or au Dernier métro ont voulu insérer une semblable mise en abyme.
Fresque grandiose, Les enfants du paradis doit autant à Prévert qu’à Carné. Le scénariste montre à nouveau des amours impossibles, unissant aussi bien l’aristocrate hautain Édouard de Montray (Louis Salou) que la douce Nathalie (Maria Casarès) ; comme dans Le quai des brumes, une trame policière enrichit la narration, le personnage-clef de Lacenaire (prodigieux Marcel Herrand) étant davantage qu’une digression. Par ses plans fixes sur une Garance statufiée ou ses travellings sur le Boulevard du crime, Carné est bien plus que le « metteur en images » des textes du poète, statut auquel certains ont voulu (et veulent encore) le réduire. Les enfants du paradis est enfin un formidable hommage au métier de comédien, de truculents seconds rôles incarnant des gens du métier : directeurs de théâtre (Marcel Pérès), régisseurs (Pierre Palau), auteurs obscurs (Paul Demange) ou concierges (Léon Larive) composent une faune réjouissante. Mais c’est indiscutablement Arletty qui domine la distribution. La Mme Raymonde gouailleuse d’Hôtel du Nord a ici un accent parigot moins prononcé et un débit de voix plus lent. Arletty est d’un humour décalé dans la première partie (le pseudo-vol de la montre) et d’une songerie rêveuse dans la seconde (le dernier plan, splendide). La sobriété de son jeu, dans la mélancolie comme la joie, fait que chacune de ses phrases se savoure avec délectation. En 2012, Les enfants du paradis a fait l’objet d’une exposition à la Cinémathèque française, d’une restauration à l’occasion de sa ressortie en salle, et d’une nouvelle diffusion en DVD et Blu-ray.
– Festival de Venise 1946 : Prix de la critique internationale
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