Un cri persan
Le 14 juillet 2012
Après le succès d’Une séparation, Asghar Farhadi profite de l’occasion pour nous faire découvrir ses précédents films. Au programme de ce mois de juillet son second long-métrage : Les enfants de Belle Ville
- Réalisateur : Asghar Farhadi
- Acteurs : Taraneh Alidoosti, Babak Ansari
- Genre : Drame
- Nationalité : Iranien
- Durée : 1h41mn
- Titre original : Shahr - Eziba
- Date de sortie : 11 juillet 2012
- Plus d'informations : http://distribution.memento-films.c...
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– Année de production : 2004
Après le succès d’Une séparation, Asghar Farhadi profite de l’occasion pour nous faire découvrir ses précédents films. Au programme de ce mois de juillet son second long-métrage : Les enfants de Belle Ville.
L’argument : Akbar est jeune, il vient d’avoir 18 ans, mais Akbar est condamné à mort. Alors qu’il attend son exécution dans une prison de Téhéran, son meilleur ami et sa sœur vont tenter d’obtenir le pardon du père de sa victime, seul moyen pour lui d’échapper à son destin.
Notre avis : Réalisé en 2004, Les enfants de Belle Ville sort tout juste sur nos écrans. L’occasion de redécouvrir l’oeuvre du cinéaste iranien dont le talent d’écriture est, sans conteste, l’une des révélations cinématographiques de l’année 2011. Cinéma de la crise, l’oeuvre de Fahradi aborde successivement les problèmes de mariage (A propos d’Elly), d’adultère (La fête du Feu), et de divorce (Une séparation). Dans Les enfants de Belle Ville, le drame s’alourdit d’un nouveau sujet : la peine de mort. L’histoire s’ouvre sur un anniversaire, celui des dix huit ans d’Akbar. Pour célébrer l’occasion, son meilleur ami organise une fête surprise en plein coeur du centre de détention pour mineurs. Akbar souffle les bougies, désespéré et abattu. Pour lui, l’entrée dans la majorité signe son arrêt de mort. Avec ce nouveau long-métrage, Farhadi renverse la vapeur et choisit de faire du drame, les racines plutôt que les bourgeons du récit. Si ses précédents films usaient de la chronique sociale pour laisser progressivement affleurer les tragédies de l’ordinaire, Les enfants de Belle Ville tranche dans le vif de destins écorchés. Au premier rang des sacrifiés du régime, Akbar bien sûr, condamné pour avoir rejoué avec un peu trop de fougue le suicide des amants shakespeariens, tuant sa copine sans parvenir à la rejoindre. Pour le jeune homme, la sentence tombe, immuable et vengeresse tel que le prévoit la loi Coranique : la mort. Oeil pour oeil, dent pour dent, vie pour vie. Face à l’imminence de la menace, Ala (meilleur ami) et Firouzeh (soeur d’Akbar), n’ont plus qu’un seul espoir, supplier le père de la victime d’accorder sa grâce...
Dans Les enfants de Belle Ville, l’horreur, loin de se cantonner au crime, explore la torture des séquelles. Et le pardon ne s’obtient pas dans la dentelle. Supplications, humiliations, génuflexions, la repentance fait figure de chemin de croix. Regard foudroyant, perles de sueur, mouvements empesés, la souffrance est visuellement palpable sur les visages torturés du suppliant comme du supplié.
Farhadi dit de son film qu’il est ’’une guerre du bien contre le mal’’. Nous ajouterions que l’enjeu est aussi celui de la survie. Comment vivre quand une fille vous a été enlevée ? Comment résister à la vengeance quand la justice vous offre sa légalisation sur un plateau ? Comment implorer la grâce d’un tueur ? Dans un autre pays, ces questions ne dépasseraient pas le voile de la sphère privée, seulement voilà, nous sommes en Iran. Et sous ce carcan répressif, l’ampleur du crime ricoche sur tous les fronts. Le drame vire à la tragédie. Entre le père de la victime qui se voit contraint de vendre sa maison pour payer le prix de l’exécution d’Akbar (la vie d’une femme pesant en Iran moitié moins que celle d’un homme), le meilleur ami à qui l’on propose d’épouser la soeur handicapée de la défunte en vue d’obtenir la grâce d’Akbar et la soeur qui continue de chercher l’argent pour payer la libération de son frère, la situation semble insoluble. Un dédale tirant son origine dans un principe juridique particulier à l’Iran, nommé ’’prix du sang’’ : en substance, le rachat de la mort humaine par la famille du coupable auprès de la famille endeuillée. Les logiques de paiement et de pardon s’enchaînent en une infernale vendetta persane. Lumières brûlantes, décors désertiques, et cadrages resserés, l’ambiance s’appesantit du poids de la contamination. Pris au piège de cette toile d’interdits, les vies des survivants ralentissent et s’enlisent dans le sable. Bientôt Ala et Firouzeh tombent amoureux, et font sans le savoir, vaciller le fil du destin....
Véritable plaidoyer contre les dérives d’un système judiciaire intraitable, Les enfants de Belle Ville pose en tête d’affiche l’actrice fétiche du cinéaste (la troublante Taraneh Alidoosti), un habitué (Babar Ansari) et un quasi-inconnu (Hossein Farzi Zadeh) précédemment remarqué pour le rôle de Kazem dans les Les noces éphémères de Reza Serkanian. Dans Les enfants de Belle Ville, passion et violence se tissent et s’intensifient sur la toile des interdits. Un véritable échiquier de la vie et de la mort où les pions avancent, reculent mais jamais ne gagnent. Une fatalité que l’on retrouve à l’heure de boucler l’histoire, Farhadi ayant le trait de génie de condamner la résolution et d’offrir au spectateur l’imaginaire de sa propre fin. Au seuil de la fenêtre bleue, un chemin de fer trace une ligne de fuite à l’horizon. Ala et Firouzeh sauront-ils prendre le train ?
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