Le 24 août 2015
Avec son quatrième film, librement adapté du roman de Jean-Noël Pancrazi, Les dollars des sables, le couple de réalisateurs Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán touche à la consécration grâce à un récit sur la prostitution, sincère et intimiste.
- Réalisateur : Israel Cárdenas
- Acteurs : Geraldine Chaplin, Laura Amelia Guzmán, Yanet Mojica, Ricardo Ariel Toribio
- Genre : Drame
- Nationalité : Argentin, Mexicain, Dominicain
- Durée : 1h25mn
- Titre original : Dolares de Arena
- Date de sortie : 26 août 2015
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Avec son quatrième film, librement adapté du roman de Jean-Noël Pancrazi, Les dollars des sables, le couple de réalisateurs Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán touche à la consécration grâce à un récit sur la prostitution, sincère et intimiste.
L’argument : Noeli, jeune dominicaine, se rend tous les après-midi sur les plages de Las Terrenas pour se prostituer. Parmi ses clients, Anne, une française d’âge mûr qui a trouvé dans l’île un refuge pour la fin de sa vie. Noeli se voit bien rentrer à Paris avec Anne. Pour Noeli, la relation, avec Anne est d’abord basée sur l’intérêt. Pour Anne, le commerce laisse vite la place aux sentiments qui deviennent de plus en plus ambigus au fur et à mesure qu’approche le moment du départ.
Notre avis : Géraldine Chaplin avait vu Jean Gentil (2010) d’Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán et avait adoré ce film : elle en parlait à tout le monde. Elle rêvait de travailler avec les deux réalisateurs qui un jour l’ont contactée. A l’origine, le rôle qu’elle interprète était destiné à un homme. Tandis que le roman développait la relation entre deux hommes, un client occidental et un prostitué, le film préfère mettre en scène deux femmes, une cliente et une jeune prostituée dominicaine. Dans cette relation saphique, caractérisée par un si grand écart d’âge, les auteurs ont voulu souligner le souci de l’autre, une sorte de "sensibilité féminine et une délicatesse".
L’histoire se passe à Samanà, une province en République Dominicaine de 140.000 habitants, qui, chaque été, voit la moitié de ses locaux aller travailler à Las Terrenas, destination paradisiaque et véritable Eldorado internationalement associé aux plages de sable blanc et aux eaux cristallines. Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán y ont posé leurs caméras pour y raconter une histoire sur le tourisme sexuel. Ils en profitent pour peindre le portrait de la jeunesse dominicaine, paumée et sans espoir.
Des films comme Paradise (Ulrik Seidl), montrant une femme autrichienne en voyage au Sénégal à la recherche d’amour charnel, ou Much Loved (Nabil Ayuch), qui évoque la prostitution au Maroc, ou encore Holly, avec Roy Livingston et Virginie Ledoyen, sur le traffic sexuel, ont récemment abordé le sujet du tourisme sexuel, mais la différence ici porte sur la relation qui se crée entre les protagonistes, une relation tarifée complexe, tendre et attachante, basée sur le mensonge. Noeli espère partir un jour en France avec Anne (Géraldine Chaplin, donc), tandis que celle-ci n’est pas tout à fait sûre de vouloir quitter ce havre de paix. L’homosexualité répond, selon Géraldine Chaplin que nous avons interrogée, à une nécessité de pragmatisme puisque la jeune femme a besoin d’argent pour survivre. Avec son copain Yeremi, elle est le reflet d’une jeunesse désemparée qui nourrit l’espoir d’un ailleurs et qui, dans la prostitution, compte trouver le meilleur ticket pour l’évasion sans retour.
En contrepartie de cette peinture locale peu réjouissante, le film montre des étrangers qui viennent trouver en République Dominicaine la paix intérieure, loin des turbulences psychologiques qui les ont secoués dans leur pays natal. Ils achètent la compagnie de l’autre et évoquent des sentiments perdus. Paradoxalement ils ont l’idée qu’ils peuvent leur apporter quelque chose de nouveau.
L’histoire est donc centrée sur trois personnages, Anne, Noeli et Yeremi. Le peu de dialogues entre eux laisse des blancs quant à leurs vies respectives que les rapports humains dépeints viennent combler. La relation qui se tisse entre Anne et Noeli traversera diverses étapes, de la tendresse, à l’humour, en passant par la colère aussi, et, évidemment, par un inéluctable rapport mère-fille. Cette palette d’émotions, si variée dans les registres, rend chaque protagoniste attachant et creuse les personnalités dans leur complexité et contradiction.
On ignore beaucoup du passé d’Anne. Elle a eu un fils, avec lequel elle s’entend mal. Elle semble presque le renier et refuse de parler de lui. Elle passe ses journées à attendre Noeli, à vivre les dernières années qui lui restent dans ce paradis fictif. Dans ce rôle, une fois de plus, Géraldine Chaplin, livre une interprétation personnelle magistrale. Elle met en avant son corps, son regard, sa voix douce également, lorsqu’elle parle en espagnol. Quant à ses deux partenaires, bien qu’ils n’aient pas encore acquis une expérience significative à l’écran, ils s’en sortent avec les honneurs, conférant au récit un ton spontané, frais et naturel.
Dans cette oeuvre lumineuse qui porte le nom de petits oursins associés, de par leur forme à une pièce de monnaie, la caméra, parfois portée à la main, cherche à retranscrire une atmosphère poétique, mais minimaliste. On retrouve les chansons du brillantissime Ramón Cordero, des mélodies dominicaines traditionnelles, affectionnées par les locaux, qui trouvent leurs origines dans les bars et bordels de Santo Domingo des années 60. La musique progresse d’une façon lente et joyeuse tout en suggérant les états d’âme. Elle joue le rôle de catalyseur dans cette chronique féminine et sociale, puissante dans sa réalité documentaire, qui est souvent touchée par la grâce.
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