Pygmalion en technicolor
Le 10 septembre 2010
Un enchantement visuel et un objet inclassable : l’un des sommets du duo Powell-Pressburger.
- Réalisateurs : Michael Powell - Emeric Pressburger
- Acteurs : Esmond Knight, Anton Walbrook, Moira Shearer, Marius Goring, Ludmilla Tcherina
- Genre : Drame, Romance, Musical
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h13mn
- Date télé : 20 janvier 2024 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 1er avril 2015
- Titre original : The Red Shoes
- Date de sortie : 10 juin 1949
Résumé : Le soir de la première de "Cœur de feu", le célèbre impresario Boris Lermontov - directeur de la prestigieuse troupe de ballet qui porte son nom - fait la connaissance de Victoria Page, une danseuse qui le persuade de l’engager. Dans le même temps, il embauche un jeune compositeur, Julian Craster, qui était venu se plaindre de plagiat. Intransigeant, Lermontov dirige ses employés d’une main de fer, exigeant d’eux qu’ils se vouent entièrement à leurs carrières. Lorsqu’il annonce son nouveau ballet, "Les Chaussons rouges", inspiré du conte d’Andersen, il s’agit d’un projet d’une ampleur sans précédent : Craster le composera, Page le dansera ; ils deviendront des vedettes internationales, à condition de tout sacrifier à cet art...
Critique : Les chaussons rouges est peut-être le point culminant de la collaboration entre le cinéaste anglais Michael Powell et le scénariste d’origine hongroise Emerich (Imre) Pressburger, et de leur maison de production The Archers, collaboration entamée en 1939 avec The Spy in Black et interrompue en 1957. Ce film inclassable (drame, film fantastique, tragédie musicale...?) figure parmi les références incontournables de nombre de cinéastes , dont Martin Scorsese. C’est un objet étrange et indiscutablement fascinant.
C’est d’abord une évocation du monde des Ballets russes : le personnage de Lermontov a plus d’un trait commun avec Diaghilev, le chorégraphe Leonide Massine joue dans le film le rôle ... du chorégraphe, l’action se déplace de Londres à Paris, puis à Monte-Carlo, hauts lieux de l’activité de la troupe des Ballets russes. L’évocation du monde effervescent de l’art et de toute l’agitation, voire de la folie qui l’entoure, est un des axes principaux du film. Dès la première scène, nous voyons une horde de jeunes mélomanes et balletomanes fanatiques se ruer vers les places en galerie de Covent Garden à l’ouverture des portes, une heure avant le début d’une représentation. Les nombreuses scènes de répétitions se déroulent immanquablement dans une atmosphère surexcitée accentuée par le caractère exagérément « russe » des personnages (en particulier Grischa/Massine et Boronskaïa/ Ludmilla Tcherina). L’excès est d’ailleurs leur trait de caractère dominant, mais c’est normal, ce sont des artistes ! Le film joue à fond la carte de l’imagerie mais avec une véritable jubilation que le spectateur ne peut que partager.
Plus complexes que les autres sont les personnages de Lermontov et Vicky. Anton Walbrook (alias Adolf Wohlbrück avec son accent bien plus autrichien que russe) est parfait de fausse gentillesse et de véritable névrose dans son rôle de Pygmalion voyant sa créature lui échapper ; et Moira Shearer, authentique et admirable danseuse, est très émouvante en jeune femme écartelée entre la passion de la danse et l’aspiration à une vie normale, entraînée dans une espèce d’engrenage maléfique qui la mènera à sa perte.
Le point culminant est évidemment le ballet inspiré du conte d’Andersen. Il se situe en plein milieu du métrage et dure près d’un quart d’heure. C’est un fabuleux morceau de bravoure qui dégage une véritable magie : décors plus évocateurs les uns que les autres - les influences picturales sont avouées - effets spéciaux troublants, couleurs surprenantes - formidable travail de Jack Cardiff qui avait déjà fait des prodiges dans le film précédent des Archers Le narcisse noir, chorégraphie inspirée, subtile navigation entre le « réel » de la représentation et le monde imaginaire du ballet...
Le tout donne une impression de bric-à-brac génial, en tout cas de formidable recyclage d’éléments les plus disparates, et parvient néanmoins à faire exister un univers visuel cohérent et d’une très grande puissance d’évocation.
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Frédéric Mignard 5 novembre 2011
Les chaussons rouges - Michael Powell, Emeric Pressburger - critique
Une merveille de chaque instant, où chaque plan tient de la composition picturale. Et quelle musique ! Black Swan n’a qu’à bien se tenir !