Le temps du loup - Michael Haneke - critique

Critique : Un monospace roule sur un chemin forestier. Rapidement il s’arrête devant une maison, un jeune garçon suivi de sa famille en sort. Ensemble, ils déchargent le véhicule et s’apprêtent à pénétrer dans l’habitation. Les bagages à la main, ils entrent et se trouvent devant un homme qui les menace d’un fusil. Accompagné des siens, il a investi les lieux. La confrontation tourne mal : le propriétaire est tué ; sa femme et ses enfants après l’avoir enterré partent, laissant derrière eux le meurtrier et leurs biens.

© Les Films du Losange

Ce fait divers est le prologue de ce qui s’avère être un drame collectif. À la recherche d’un abri, la famille errante est en butte à la décrépitude d’un monde mis à mal par une catastrophe inconnue. Depuis ses débuts Michael Haneke s’intéresse à la violence humaine sous toutes ses formes. À travers ses œuvres, il trace un portrait désespéré d’une société en mal d’identification. Parfois avec un didactisme complaisant, toujours avec une précision obsessionnelle, il a cherché à décrire les mécanismes amenant un individu à entrer dans une violence destructrice en apparence inexplicable. Avec Le temps du loup il prend une distance permettant à ces personnages d’investir une situation avec liberté. Il a, de plus, choisi de proposer à des acteurs connus la plupart des rôles. Mais leur espace est balisé : chacun fournit une interprétation à partir d’une partition préétablie d’après son passé cinématographique. À Patrice Chéreau le rôle du juste guindé et intellectuel, à Béatrice Dalle celui de l’écorchée vive, à Olivier Gourmet celui du kapo... Isabelle Huppert est spectatrice d’une pièce qui lui échappe, cernée par une agressivité et un individualisme oppressants.

Michael Haneke observe les réactions de chacun, cela pourrait être une suite de clichés, mais la tension s’installe, elle s’insinue en nous. Jouant avec l’image des acteurs, le cinéaste autrichien touche à notre quotidien et nous place au centre de la narration. Cela devient une expérience intime, un questionnement où l’innocence est sacrifiée par la puissance des images et des paroles.