L’argent
Le 17 mai 2006
Un portrait de femme et un admirable film noir, où l’argent tente de suppléer le vide d’"amours" plutôt cyniques. A revoir absolument.


- Réalisateur : Michael Curtiz
- Acteurs : Joan Crawford, Jack Carson, Zachary Scott, Eve Arden, Ann Blyth, John Compton
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain

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– Durée : 1h51mn
– Titre original : Mildred Pierce
Un portrait de femme et un admirable film noir, où l’argent tente de suppléer le vide d’"amours" plutôt cyniques. A revoir absolument.
L’argument : Après s’être enfuie de la villa où son second mari est retrouvé assassiné, Mildred Pierce (Joan Crawford) est interrogée par la police et revient sur sa vie dans un long flash-back : depuis la ruine de son premier mariage jusqu’au second avec Monte Beragon, alors qu’elle a créé une entreprise florissante de restauration. L’ascension d’une femme qui fait fortune, mais que son entourage va entraîner vers sa perte.
Notre avis : Dans Le roman de Mildred Pierce le noir gagne le récit peu à peu, s’y épanouit et s’ouvre comme une fleur mauvaise, vénéneuse ; les personnages parlent d’amour comme on en parle au cinéma - ils n’ont que ce mot à la bouche -, pourtant ce mélodrame en est étonnamment dénué - sauf celui, ambitieux et coupable d’une mère pour sa garce de fille, et celui de sa fille pour... la fortune de sa mère ! Ce "roman" balzacien, où le Père Goriot emprunte les yeux sombres et immenses et les chevilles parfaites d’une actrice au sommet de son talent (Joan Crawford), ressemble au final à une charge brutale contre l’american way of life. Au cœur de ce roman noir - adapté de James Cain via William Faulkner... - il y a l’argent et cette épopée américaine qui consiste à le faire surgir de nulle part sur une terre prodigue pour ceux qui se lèvent tôt. L’argent afflue donc pour Mildred Pierce, qui tient sa revanche sur les coups de la vie (son mari ruiné et infidèle qui l’a quittée). Mais dans quel but ? L’avide Veda ("prononcer "Vida"), fille chérie de Mildred Pierce et but de tous ses dépassements, est aussi sa perte : Veda aime le luxe et la dépense alors sa maman travaille et épouse ceux qu’il faut. Dans un autre film, un mélo qui s’assumerait, le cabriolet somptueux offert par Mildred à Veda serait le cercueil de la jeune femme et le chagrin de sa mère : mais Michael Curtiz n’a pas le goût du mélo facile et fait le choix - répondant à une tendance du cinéma américain de l’époque - de la noirceur, dont bien sûr les femmes sont les mauvais anges.
Pourtant derrière ce film effectivement très noir et sarcastique (comme l’humour grinçant des répliques qui ferment immanquablement chaque scène) c’est bien une quête d’amour désespérée que nous raconte le cinéaste de Casablanca. Et, surtout, l’étonnante Joan Crawford, toujours hésitante entre une joie conquérante et naïve, une colère prête à pardonner les trahisons de son entourage et l’énorme faute qu’elle doit réparer. Mais quelle faute ? Le scénario, d’une densité digne d’un roman de mœurs, ne nous le dit pas. La mise en scène, très rythmée et pleine d’ombres gigantesques, pas davantage. Ce film admirable est une critique sans concession d’une certaine mythologie américaine, qui fait croire aux petits-bourgeois que la fortune leur ouvrira les portes du bonheur. Il est aussi un chef-d’œuvre de mise en scène, qui ne renonce ni au bizarre et à une forme d’"expressionisme" américain ni aux facilités d’un genre - mélodrame ou film noir. A revoir absolument.