Au revoir, au revoir président
Le 16 mars 2015
Le président est le rêve de réconciliation d’un cinéaste engagé qui ne manque pas de courage.
- Réalisateur : Mohsen Makhmalbaf
- Acteurs : Misha Gomiashvili, Dachi Orvelashvili, Ia Sukhitashvili
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Britannique, Français, Allemand
- Durée : 1h59mn
- Date de sortie : 18 mars 2015
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Le président est le rêve de réconciliation d’un cinéaste engagé qui ne manque pas de courage. Bien que desservi par certains aspects naïfs ou abstraits, le film séduit par la pertinence des ses idées politiques et par certaines situations burlesques et poétiques qui le font sortir de son cadre théorique.
L’argument : Le Président et sa famille dirigent leur pays d’une main de fer, profitant d’une vie luxueuse pendant que ses sujets vivent dans la misère.Du jour au lendemain, un violent coup d’état met fin à cette dictature et le Président devient l’homme le plus recherché du pays. Avec son petit-fils de 5 ans, il tente alors de rejoindre la mer où un navire les attend pour les mettre hors de danger. Grimés en musiciens de rue, ils se retrouvent confrontés à la souffrance et à la haine que le Président a suscité….
Notre avis : Il faut d’abord rendre hommage à Makhmalbaf, cinéaste iranien exilé. On devine la douleur que peut représenter le fait de vivre loin de son pays. Dans ces conditions il y a une certaine forme de grandeur dans le fait de réaliser un film qui ose prôner le pardon et la réconciliation vis à vis d’une catégorie de personnes dont font partie ceux qui l’ont empêché de vivre normalement. Le film évoque toutes les chutes de dictatures, on pense bien sûr au printemps arabe. Hélas très souvent lors d’un changement de régime, la vengeance l’emporte sur la justice, et le cycle de la violence et de la domination reprend très vite ses droits. C’est contre la répétition inlassable de cette tragédie que s’élève le film.
- © BAC FILMS DISTRIBUTION
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C’est un conte universel à la Voltaire qui situe son action dans un monde imaginaire (ça pourrait être un pays du Caucase). Le genre a une limite. En voulant être universel en devient parfois un peu abstrait. Dans Le président le chef déchu est directement confronté aux crimes de son régime ou aux récits des victimes. Ce sont les situations auxquelles on s’attend dans toute dictature : massacre des opposants, viols, torture, etc. On baigne un peu dans les clichés. Par ailleurs le personnage du président n’est pas toujours très convaincant. Certes le film a raison de peindre l’humain plutôt qu’un monstre, sans ça on devrait oublier toute possibilité de pardon. Mais la description semble un peu trop naïve. Ce dictateur est trop gentil. Il semble découvrir toutes les horreurs qui ont été perpétrées dans son pays. Il est plutôt empathique , comme si l’empathie était un sentiment naturel, universel. Or on n’imagine pas un Kadhafi aussi sympathique. Soit le personnage ne savait pas ce qui se passait, soit il le savait mais avec une trop grande distance pour ressentir ce qu’impliquait sa politique. Dans les deux cas le film ne remplit pas pleinement on objectif car son message concerne de êtres qui ne semble donc pas avoir consciemment fauté comme si pour d’autres cas la vengeance était justifiée. Or on ne peut pas croire que telle soit l’intention de Makhmalbaf. Il aurait sans doute fallu partir d’un dictateur bien plus monstrueux capable de commettre directement des actes horribles pour rehausser l’enjeu du pardon.
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Ceci dit le film a plein de qualités. D’abord il défend des valeurs universelles (justice, paix) qui sont loin d’être évidentes par les temps qui courent. Nos privilèges occidentaux nous font oublier que ce ne sont pas des valeurs qui vont de soi. Et on ferait mieux de ne pas l’oublier sous peine de perdre bientôt ce privilège si on ne prend pas garde aux maux qui taraudent notre société de l’intérieur. L’aspect réconciliateur du film rappelle un peu un autre cinéaste iranien, Asghar Farhadi, dont l’œuvre métaphysique et subtilement politique (Une séparation) travaille en profondeur les déchirements entre les êtres et la possibilité du vivre ensemble. Ensuite il y a le gamin qui va dessiller le regard du vieillard. On ne peut qu’être touché par ce qui se joue dans cette relation. On veut croire que l’innocence d’un enfant peut changer un monstre, et même si cette possibilité n’est pas évidente, même si la probabilité du changement est infime, même si elle n’arrivera jamais, il faut sans doute tenir à cette croyance de toutes nos forces car si le monstre ne peut pas changer, à quoi rimeraient les notions de justice, d’égalité et de liberté ? Ce n’est que cette possibilité, cette ouverture, qui disqualifie la peine de mort.
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Enfin le film séduit sur un fil qui se trame en dehors du carcan théorique dont on a parlé jusqu’à présent. L’errance des personnages a un côté burlesque et poétique qui désamorce temporairement les tensions. On se croirait parfois chez Jarmush ou Kaurismaki. Par exemple lorsque le président et son petit fils se retrouvent à voyager avec des opposants politiques torturés, certains peuvent marcher, d’autres sont portés par leur compagnon. Il y a des scènes de douleur, de joie et de partage. Dans ces scènes on a d’un côté un discours un peu cliché sur l’horreur de la torture, et en même temps il y a là quelque chose d’un peu surréaliste où la vie déborde le cadre théorique. Aucun essai, aucun discours ne peut le remplacer. Ainsi, malgré ses défauts et peut-être plus que par ses idées, Le président nous touche par sa profonde vitalité.
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