Famille je vous hais
Le 1er mars 2015
En 1969 avec Le Petit garçon Oshima prenait le contrepied de la réussite économique japonaise via l’histoire d’un enfant livré à lui même au sein d’une famille dysfonctionnelle.
- Réalisateur : Nagisa Oshima
- Acteurs : Fumio Watanabe, Akiko Koyama, Tetsuo Abe, Tsuyoshi Kinoshita
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h45mn
- Titre original : Shonen
- Date de sortie : 30 janvier 1970
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– Année de production : 1969
– Reprise : le 4 mars 2015
En 1969 avec Le Petit garçon Oshima prenait le contrepied de la réussite économique japonaise via l’histoire d’un enfant livré à lui même au sein d’une famille dysfonctionnelle. Un film à la fois acide et tendre qui interpelle.
L’argument : L’histoire d’un petit garcon de dix ans, de sa famille et du monde autour de lui. Pour survivre, les parents de l’enfant pratiquent une escroquerie à laquelle ils l’initient.
Notre avis : A la fin des années 60, alors qu’en occident la révolution de la jeunesse battait son plein, en Orient une nouvelle génération remettait également en cause l’ordre établi. Au Japon Oshima était un des cinéastes les plus en vue de cette génération. Ses films ont incarné leur époque. Acides, révoltés, ils mettaient à mal les structures traditionnelles : l’état, la famille. On partait de plus loin. L’occident avait après tout depuis longtemps la culture de la révolte. C’était moins évident au pays du soleil levant, pays profondément structuré par le confucianisme. La tradition imposait (et impose encore, même si l’édifice se lézarde) le respect des anciens, le respect des autorités. Voilà que la jeunesse sapait les fondements de la société ! Oshima n’épargnait même pas les grands maîtres du cinéma nippon. N’avait-il pas égratigné le grand Ozu dans ses déclarations ? ("il ne m’intéresse pas").
- © Oshima Productions
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Le petit garçon est assez emblématique de ces débuts. C’est un film poil à gratter. Le regard porté ici sur les parents du garçon est terrible. Ce sont des escrocs à la petite semaine, des voyous. Il n’y a rien pour les rattraper. Passe encore qu’ils soutirent de l’argent de façon malhonnête. Il faut bien manger et trouver un toit. Mais le pire c’est la façon dont ils se comportent avec leurs enfants. Ils les exploitent ou alors ils les traitent comme des objets encombrants. Elle ne ressemble pas trop à l’idéal de la famille japonaise cette famille. D’abord c’est une famille recomposée. La femme n’est pas la mère du petit garçon. Ensuite, elle tranche avec le modèle patriarcal. La femme n’est pas soumise au père. Au contraire, elle n’hésite pas à lui désobéir. Elle garde l’enfant qu’il veut faire avorter. Et elle trompe parfois son mari. Lui perd son pouvoir dans la mesure où il n’est pas capable de nourrir correctement sa famille. Certes on pourrait aborder les aspects positifs de la décomposition du cadre traditionnel par rapport à la libération de la femme mais là n’est pas le sujet. Le sujet c’est l’enfance sacrifiée. Le portrait de cette famille dysfonctionnelle jettait une ombre sur la réussite éclatante d’un pays alors en plein boom économique. En évoquant une famille marginale et des enfants négligés, livrés à eux-même, Oshima encore une fois appuyait là où ça fait mal.
- © Oshima Productions
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On est séduit par le ton caustique du film. Mais il y a aussi une autre tonalité beaucoup plus tendre à l’œuvre. Le petit garçon est un joli film sur l’enfance. Il est impossible de ne pas être ému par les visages des petits acteurs. On est touché par ce jeune héros qui se réfugie dans un monde imaginaire pour oublier la réalité. Il est sans doute le seul personnage responsable de cette fable. C’est encore lui qui s’occupe le mieux de son petit frère. Paradoxalement ce portrait fait penser au chef d’oeuvre d’Ozu Gosses de Tokyo. On pense aussi à d’autres grands films liés à des regards d’enfants : Les contrebandiers de Moonfleet, Le voleur de bicyclette, L’incompris.
- © Oshima Productions
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On pourrait dire que la société n’est pas responsable de ce qui arrive au petit garçon. Il n’a juste pas de chance d’être tombé sur la mauvaise famille. Mais alors ça voudrait dire que le film n’est qu’une illustration d’un fait divers, un divertissement nous faisant prendre conscience de la chance qu’on a de ne pas connaître ce genre de situation. Si on s’en tenait à ce point de vue ça voudrait dire que le film ne sert à rien et que l’art en général ne sert à rien. Le film est politique parce qu’il renvoie à la responsabilité de la société envers les enfants laissés pour compte. Levinas parlait du visage d’autrui qui interpelle. On ressent cet appel face au visage du petit garçon magnifiquement filmé par Oshima. Cet appel est toujours d’actualité.
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