Vertiges
Le 6 janvier 2024
Ce sommet de romanesque échevelé, d’une beauté à couper le souffle, est peut-être le chef-d’œuvre du tandem Powell-Pressburger.
- Réalisateurs : Michael Powell - Emeric Pressburger
- Acteurs : Deborah Kerr, Sabu, Esmond Knight, Flora Robson, Jean Simmons, David Farrar, Kathleen Byron
- Genre : Drame, Aventures
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h41mn
- Date télé : 20 janvier 2024 23:00
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 15 décembre 2010
- Titre original : Black Narcissus
- Date de sortie : 20 juin 1949
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Résumé : Une congrégation de religieuses britanniques est chargée de se rendre dans un ancien harem situé sur les contreforts de l’Himalaya, pour y établir un dispensaire. Autour du palais, le vent souffle continuellement et la nature propage une poignante beauté. Les sœurs sont aidées dans leurs tâches par Dean, un agent anglais installé dans la région depuis longtemps. Rapidement, la sœur supérieure Clodagh s’offusque de la conduite grossière et dissolue de ce dernier. Au sein de la communauté, les tensions s’exacerbent et les nonnes traversent des épreuves pesantes, aussi bien pour le corps que pour l’esprit..
Critique : Adapté d’un roman de Rumer Goden (connue aussi pour Le Fleuve -The River, adapté par Renoir en 1949-50), Black Narcissus s’inscrit, dans la prestigieuse série des productions de The Archers entre A Matter of Life and Death - Une question de vie et de mort et The Red Shoes - Les chaussons rouges. C’est peu de dire qu’il ne dépare pas ce prodigieux ensemble : il en constitue peut-être même le point culminant.
Michael Powell et Emeric Pressburger ne pouvaient qu’être séduits par le romanesque échevelé de cette histoire de nonnes s’installant dans un palais perché au-dessus d’un précipice, aux murs couverts de fresques lascives, et déboussolées par un environnement où tous leurs repères s’avèrent inopérants : la sœur jardinière se met à fixer l’horizon (On voit trop loin) et à planter des fleurs partout, négligeant les choux et les pommes de terre ; la mère supérieure voit ressurgir un passé qu’elle croyait enfoui à jamais et n’est pas insensible à la rudesse et au timbre viril de l’agent représentant l’autorité britannique dans cette contrée coupée du reste du monde. Celui-ci n’hésite pas à se présenter torse nu quand on l’appelle en urgence et fait complètement perdre la tête à la novice déjà fragile qui sombre bientôt dans l’hystérie.
Plus que le choc des cultures, c’est le pouvoir déstabilisant du lieu que le film parvient admirablement à faire ressentir : l’air raréfié de la montagne qui exagère les couleurs et les contours, donnant à tout une beauté presque insoutenable, et trouble profondément les comportements.
Cette beauté inquiétante, le film la fait éprouver grâce au prodigieux travail sur le technicolor du grand chef opérateur Jack Cardiff, mais aussi grâce aux décors incroyables d’Alfred Junge reconstituant l’Himalaya en studio à Pinewood. Sans oublier la musique de Brian Easdale jouée sur le plateau de tournage et guidant la mise en scène et les acteurs. Le compositeur recourt aux chœurs lorsque la tension atteint son paroxysme et cet arrière-plan sonore contribue à faire de la séquence ahurissante amenant le dénouement un très grand moment opératique qui se passe complètement de dialogues.
Certaines figures appartiennent à un folklore un peu convenu et daté, comme le prince joué par Sabu (c’est lui qui met du narcisse noir, ce parfum capiteux qui donne son titre au roman et au film) et la jeune servante incarnée par une ravissante Jean Simmons grimée en jeune Indienne. On peut aussi émettre quelques réserves sur la composition outrée de Kathleen Byron en novice hystérique. Mais les autres personnages sont fermement et admirablement dessinés, à commencer par la sœur Clodagh dont la grande Deborah Kerr (déjà épatante, en 1943, dans les trois rôles féminins de Life and Death of Colonel Blimp) parvient, avec un minimum d’effets, à cacher la fragilité sous le self control, et à la dévoiler par la même occasion.
En dépit de certains aspects un peu kitsch, Black Narcissus reste une œuvre stupéfiante d’audace et sa splendeur visuelle laisse pantois. On ne peut que partager l’admiration de Martin Scorsese (et de bien d’autres) pour ce film où l’artifice exacerbé rejoint le grand art.
– Sortie Royaume-Uni : 24 avril 1947
– Oscar 1948 de la meilleure photographie pour Jack Cardiff
– Oscar 1948 de la meilleure direction artistique pour Alfred Junge
– Golden Globe 1948 de la meilleure photographie pour Jack Cardiff
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