Rêve étrange et pénétrant
Le 31 juillet 2012
Un ballet foisonnant, féerique et terriblement incarné qui oblige le spectateur à se remettre sans cesse en question. Un film qui possède la grâce.
- Réalisateur : Wojciech J. Has
- Acteurs : Zbigniew Cybulski, Elzbieta Czyzewska, Iga Cembrzynska
- Genre : Comédie, Comédie dramatique, Aventures, Fantastique, Noir et blanc, Drame fantastique
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Baba Yaga Films
- Durée : 3h00mn
- Reprise: 10 décembre 2014
- Titre original : Rekopis znaleziony w Saragosie
- Date de sortie : 16 décembre 1966
Résumé : Le jeune Alfons Van Worden, capitaine de la garde wallone du roi d’Espagne, traverse les montagnes sauvages de la Sierra Morena pour se rendre à Madrid. Il fait la connaissance, dans l’auberge où il passe la nuit, de princesses maures qui lui dévoilent un mystère : il accomplira de grands exploits, mais auparavant il lui faudra prouver son courage.
Critique : Le manuscrit trouvé à Saragosse est une adaptation du roman éponyme de Jean Potocki. C’est également l’un des films les plus célèbres de Wojciech J. Has. Ceux qui connaissent bien le travail de ce cinéaste polonais, auteur entre autres de l’inoubliable Clepsydre (quelque chose comme du Svankmajer à la sauce Tarkovski mâtiné de Jodorowsky) ne seront pas perdus tant le film plonge pour le plus grand plaisir des mirettes et des méninges dans un monde fantasmagorique, méandreux, incompréhensible, où le spectateur est généreusement invité à se perdre et rêver. Entre les symboles peu ou prou ésotériques et les raisonnements métaphysiques, les néophytes risquent d’être déroutés et de regarder le spectacle avec une mine circonspecte en se demandant s’ils ne se sont pas trompés de salle. Or, pour peu qu’on s’y abandonne, l’expérience est traumatisante.
En bon conteur torturé, Has respecte partiellement le roman originel (il était impossible de l’adapter intégralement) en y ajoutant sa touche suprêmement personnelle, surréaliste et fiévreuse. Comme La clepsydre plus tard, ce Manuscrit... joue sur la répétition des faits et des événements. Certains éléments récurrents reviennent avec obsession dans le récit et sont filmés différemment, de manière à ce que nous voyions la même scène d’un point de vue autre. On retrouve également cette même sensation de fluidité comme si tout n’avait été réalisé que d’un seul trait. La précision maniaque de la mise en scène et la rigueur absolue du récit peaufinent cette sarabande hoquetante et entêtante, hypnotique et intrigante, qui ne ressemble qu’à elle-même.
En montrant que le hasard peut parfois parasiter le fleuve tranquille du destin, en obligeant le spectateur à se remettre lui-même en question sur ce qu’il vient de voir, Le manuscrit trouvé à Saragosse propose plus de cinéma que bien d’autres films. Furetant avec le même brio et le même sens du détail dans différents genres (comédie satirique, conte fantastique, histoire d’amour, film d’aventures), ce ballet foisonnant, féerique et terriblement incarné, aborde de multiples sujets, propose une pléthore de pistes, confronte des univers, triture les codes, en ayant le bon goût d’égarer le spectateur pour mieux lui faire goûter cette sensation de perte de soi. Cette absence de rationnel invite à fournir des interprétations diverses et variées comme si la vie ne pouvait pas être vue sous un seul angle.
Buñuel confessait adorer ce film et l’avoir vu trois fois. Ce n’est pas étonnant tant il semble avoir marqué certaines de ses œuvres dont La voie lactée qui était lui aussi un récit picaresque qui confondait les modes, les personnages, les tons et les époques. Il n’est certes pas interdit de préférer La clepsydre qui laisse une impression marquante à tous ceux qui la découvre mais Le Manuscrit trouvé à Saragosse possède la grâce des plus grands films.
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Norman06 22 avril 2009
Le manuscrit trouvé à Saragosse - la critique
Foisonnante, surréaliste et baroque, cette fantaisie fantastique est un des sommets du cinéma polonais des années 60. En dépit de quelques longueurs et lourdeurs, on entre aisément dans ce ballet cérébral à tiroirs.