Les diaboliques
Le 29 août 2014
Longtemps invisible, ce polar troublant basé sur un célèbre fait divers est l’une des meilleures réussites de Richard Fleischer.
- Réalisateur : Richard Fleischer
- Acteurs : Orson Welles, E.G. Marshall, Bradford Dillman, Martin Milner, Dean Stockwell, Diane Varsi
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Rimini Éditions
- Durée : 1h43mn
- Date de sortie : 13 mai 1959
- Festival : Festival de Cannes 1959
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– Date de sortie en DVD : 02 septembre 2014
L’argument : 1924. Estimant que leur statut social et leur intelligence les placent au dessus des lois, Arthur Straus et Judd Steiner, deux étudiants, se livrent à plusieurs actes criminels et finissent par enlever et assassiner un jeune garçon. Certains d’avoir commis le crime parfait, ils sont trahis par un détail. Un avocat célèbre, adversaire de la peine de mort, décide d’assurer leur défense.
Notre avis : Produit par Richard Zanuck à La Fox, Le génie du mal est l’un des meilleurs films de Richard Fleischer, cinéaste longtemps sous-estimé ayant œuvré dans plusieurs genres dont précisément le polar (L’énigme du Chicago Express). Le récit est basé sur un fait divers ayant défrayé la chronique judiciaire américaine. Leopold et Loeb, fils de la haute bourgeoisie de Chicago, avaient décidé de commettre des actes de déviance, dont un meurtre odieux, au nom d’une interprétation littérale de la théorie du surhomme de Nietzsche. L’opinion publique et les autorités judiciaires étaient d’autant plus choquées que les meurtriers faisaient partie de la classe supérieure, s’avéraient exceptionnellement cultivés, et accomplissaient des études avec succès, destinés à devenir juristes. Le génie du mal a été réalisé onze ans après La corde d’Alfred Hitchcock, fondé sur les mêmes faits. Mais quand le « maître du suspense » avait pris des libertés avec le matériau judiciaire, et accentué la suggestion de l’homosexualité entre les deux jeunes gens, Richard Fleischer et son scénariste Richard Murphy ont opté pour une fidélité plus évidente à l’histoire d’origine, qui avait été transcrite dans un roman policier de Meyer Levin. Ce dernier n’était autre qu’un camarade d’université des deux assassins, à l’époque journaliste stagiaire, et qui est interprété dans le film par Martin Milner. Notons que ce roman avait fait lui-même l’objet d’une adaptation théâtrale à Broadway, dont le succès a incité la Fox à entreprendre Le génie du mal. La première partie du film est fascinante. Les virées nocturnes d’Arthur (Bradford Dillman) et Judd (Dean Stockwell), sous une musique de jazz percutante de Lionel Newman, donnent d’emblée le ton. Les deux personnages semblent à la fois intelligents et maléfiques, charismatiques et repoussants. « Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film », professait Hitchcock. C’est particulièrement le cas d’Arthur, qui exerce un ascendant sur son camarade, essaye de sympathiser voire même d’aider le procureur (E.G. Marshall), et manipule à outrance un Judd plus fragile et amoureux.
Il n’hésite pas, entre autres défis, à chercher à lui faire écraser un ivrogne ou abuser d’une étudiante (Diane Varsi, pourtant aussi bienveillante que dans Johnny s’en va-t-en-guerre). L’œuvre excelle à dépeindre le malaise d’une société américaine dont les enfants les mieux lotis ne sont pas eux-mêmes à l’abri des pires intentions, malgré le contrôle social exercé par les biens-pensants, à l’image du frère (Richard Anderson), qui tente en vain de détourner Judd de son et ses démon(s). On admirera la sobriété de la mise en scène, une ellipse évacuant le meurtre du jeune adolescent dont le corps meurtri sera hors-champ à la séquence suivante. On peut penser que ce n’est pas seulement une contrainte d’autocensure lié au Code Hays encore en vigueur à l’époque, mais aussi une question d’élégance filmique, loin de la surenchère gore d’un certain cinéma plus contemporain. La seconde partie est plus classique, qui voit l’entrée en scène d’Orson Welles, dont l’arrivée à été ménagée pendant une heure, à l’instar du Troisième homme. Le scénario reproduit des extraits de la plaidoirie de l’avocat de Leopold et Loeb, le plaidoyer anti-peine de mort évoquant davantage le classicisme humaniste démonstratif des films à thèse ayant abordé ce problème ou tout autre de société : on pense en particulier à Nous sommes tous des assassins. Le génie du mal n’en reste pas moins captivant, et constitue une plongée étouffante dans les tréfonds de la noirceur humaine. Présenté au Festival de Cannes en 1959, il fut accueilli plutôt froidement, mais Orson Welles, Bradford Dillman et Dean Stockwell (qui avait triomphé dans l’adaptation théâtrale) reçurent un prix d’interprétation masculine collectif. Modèle de film criminel, Le génie du mal fait donc partie de ces œuvres sous-estimées en leur temps, et dont on redécouvre aujourd’hui l’importance.
LE TEST DVD
Un DVD de qualité, dans un boîtier élégant. L’éditeur met admirablement en valeur le travail de restauration et propose une mine d’informations sur le film.
Les suppléments
Les bonus combleront les cinéphiles mais aussi les amateurs d’Histoire, avec une clarté et une diversification de l’approche du film. Outre les deux bande-annonces (d’époque et d’actualité), le DVD propose une présentation du film par Richard Fleischer lui-même. Dans Le noir selon Fleischer (9 mn), l’historienne du cinéma Linda Tahir situe le film dans l’œuvre du cinéaste, et montre son apport dans un genre qui contenait déjà beaucoup de perles. François Guérif analyse quant à lui avec pertinence Crimes, le roman à la base du film. Mais le clou des suppléments est indiscutablement Un crime et deux maîtres (49 mn), qui évoque l’affaire Leopold-Loeb et les différents travaux d’artistes qu’elle a inspirés. L’ensemble concilie érudition et clarté didactique.
L’image
L’image de qualité restitue admirablement la photo noir et blanc de William C. Mellor, chef opérateur qui avait notamment collaboré avec Anthony Mann pour L’appât et George Stevens pour Une place au soleil.
Le son
Le DVD propose une VO en langue anglaise sous-titrée en français ou une VF, que nous nous garderons de recommander en dépit du talent des acteurs du doublage (Jean Davy, Michel Roux...). Le son Dolby Digital 5.1 est bien rendu. On appréciera en particulier la qualité de la bande musicale.
Galerie Photos
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