La corde
Le 15 juin 2016
L’épisode du 5 du Décalogue, réquisitoire glacial contre la peine de mort, est l’un des films les plus forts de Kieslowski.
- Réalisateur : Krzysztof Kieślowski
- Acteurs : Miroslaw Baka, Jan Tesarz, Krzysztof Globisz
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 0h57mn
- Reprise: 29 juin 2016
- Titre original : Dekalog V : Krokti film o zabijaniu
- Date de sortie : 26 octobre 1988
- Festival : Festival de Cannes 1988, Festival de Cannes 2016
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– Festival de Cannes 1988 : Prix du Jury - Prix FIPRESCI
– Projeté à Cannes Classics 2016
– Reprise salle : 29 juin 2016 (distribution MK2/Diaphana Distribution)
Résumé : À Varsovie, un chauffeur de taxi lave sa voiture, refuse deux clients et finit par accepter de prendre en charge un jeune homme au visage fermé qui lui demande de le conduire au bord du fleuve. Le passager noue un lacet autour du cou du chauffeur et entreprend maladroitement de l’étrangler, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Jacek passe devant la justice des hommes. Il est défendu par un jeune avocat opposé à la peine de mort, dont c’est la première grande affaire. Jacek est condamné à la mort par pendaison. Au cours du procès, on apprend que le jeune assassin est le jouet d’un destin funeste...
Notre avis : Le film fait partie de la série Le Décalogue, réalisée par Kieslowski pour la télévision polonaise. Il fut projeté dans une version longue au Festival de Cannes 1988 où il obtint le Prix du Jury, avant d’être intégré à nouveau à l’ensemble pour une sortie en salle globale. MK2 distribue en 2016 une version comprenant l’intégralité de la série, à la suite d’un travail de restauration supervisé par les chefs-opérateurs de l’œuvre. Inspirés des dix commandements et de l’Ancien Testament, ces dix épisodes de moins d’une heure montrent les habitants d’un immeuble de Varsovie confrontés à des choix moraux majeurs, Kieslowski proposant une vision humaniste sur la question de la responsabilité et de la place de l’homme dans la société. Tu ne tueras point, le cinquième épisode, est un véritable choc. Découpé en trois parties (avant, pendant, et après le meurtre), le film peut être d’abord considéré comme un réquisitoire contre la peine de mort, même s’il n’est en rien une thèse filmée ou un dossier judiciaire en forme de fiction (le procès fait l’objet d’une ellipse d’une redoutable efficacité). Kieslowski est ici plus proche du moralisme suggestif de Jungfeng Boo dans le récent Apprentice que du style démonstratif d’André Cayatte dans Nous sommes tous des assassins. Plus qu’un long discours, les images des précautions médicales qui entourent une pendaison révèlent la barbarie de la mort légale et « propre ». Kieslowski ne contourne pas son sujet : il filme auparavant comment un ado écorché mais en fin de compte d’une normalité apparente peut commettre un acte délibérément criminel et sans mobile.
- © TVP
La scène de l’assassinat, d’une violence frontale, traduit ici la cohérence d’un réalisateur qui n’édulcore pas son propos. Cette séquence rapproche Kieslowski du Haneke de Funny Games, qui refusait de magnifier la violence et cherchait à susciter un véritable malaise. La force de Kieslowski est de brouiller les pistes, et refuser aussi bien le voyeurisme que l’apitoiement, la sensiblerie ou le manichéisme. Le film peut être également vu comme un portrait croisé de trois protagonistes dont deux sont particulièrement ambivalents. Dans la première partie, ni Jacek ni le chauffeur de taxi ne sont attachants ou charismatiques. Peu d’indices sont donnés sur leur existence, si ce n’est des fragments, à l’instar de cette photo de première communion qui révélera une blessure profonde chez Jacek. Car Tu ne tueras point prend la forme d’un puzzle narratif dont le sens profond apparaîtra au dénouement. Kieslowski révèle que les apparences sont trompeuses, et l’une des subtilités du film est de dévoiler que le personnage principal est en fait le jeune avocat de la défense, dont les apparitions initiales pouvaient laisser croire qu’elles n’étaient qu’une contrainte de scénario. D’une rigueur et d’un dépouillement exemplaires, Tu ne tueras point marque toujours le spectateur, près de trente ans après sa réalisation.
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