« À chacun sa vérité »
Le 18 décembre 2022
Fidèle à son univers du jeu des apparences et à sa vision humaniste des rapports humains, Asghar Farhadi livre un nouveau conte moral d’une grande rigueur d’écriture.
- Réalisateur : Asghar Farhadi
- Acteurs : Taraneh Alidoosti, Shahab Hosseini, Babak Karimi, Mina Sadati, Farid Sajjadihosseini
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Iranien
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 2h03mn
- Date télé : 27 août 2020 20:40
- Chaîne : OCS City
- Titre original : Forushande
- Date de sortie : 9 novembre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
Résumé : Forcés de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d’importants travaux menaçant l’immeuble, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l’ancienne locataire va bouleverser la vie du jeune couple.
- Copyright Habib Majidi
Critique : Après Le passé, réalisé en France, Asghar Farhadi est retourné en Iran pour ce nouveau film fidèle à sa démarche. Il y dirige deux de ses interprètes de prédilection, Shahab Hosseini et Taranah Alidoosti, déjà réunis dans À propos d’Elly. On peut d’abord voir Le client comme un semi-documentaire sur une ville en transformation et ses habitants en perte de repères, évoluant dans des quartiers avec chantiers sans fin, vieux immeubles démolis et buildings en construction. Dans cet univers urbain à la fois moderne et déshumanisé, et dans un contexte d’obscurantisme politique et religieux, Emad et Rana, membres de la classe moyenne éclairée, incarnent une forme de résistance, trouvant dans la culture et le théâtre un dérivatif salutaire. Le client s’avère alors une mise en abyme subtile, la pièce répétée et jouée étant Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller. « Le Téhéran d’aujourd’hui est très proche de New York, tel qu’Arthur Miller le décrit au début de la pièce. Une ville qui change de visage à une allure délirante, qui détruit tout ce qui est ancien, les vergers et les jardins, pour le remplacer par des tours. C’est précisément dans cet environnement que vit le commis voyageur », a déclaré le cinéaste.
- Copyright Habib Majidi
Cette pièce dans le film, centrée la complexité des relations humaines, fait écho aux déboires que rencontreront Emad et Rana, même si Farhadi ne cherche pas à aller aussi loin que les parallèles établis par Jean Renoir dans Le carrosse d’or ou François Truffaut dans Le dernier métro. Le cinéaste préfère se focaliser sur la tension psychologique au sein de ce couple, après une agression dont est victime la jeune femme dans son nouvel appartement. Oscillant entre le mélodrame et l’enquête criminelle, Le client devient alors un fascinant jeu de piste qui révélera la personnalité contrastée des protagonistes. À l’instar de La séparation, Asghar Farhadi se montre scénariste et dialoguiste hors pair, apte à saisir l’ambivalence des sentiments et la dualité des protagonistes. « À chacun sa vérité », semble asséner le cinéaste dans ses films. Si l’effet de surprise et l’éblouissement que l’on éprouvait face à ses œuvres antérieures se sont un peu émoussés, force est de reconnaître que le dispositif reste d’une redoutable efficacité et confirme le moralisme humaniste d’un auteur de premier plan dans le cinéma contemporain.
– Oscars 2017 : Meilleur film en langue étrangère
– Festival de Cannes 2016 : Prix du meilleur acteur pour Shahab Hosseini - Prix du scénario
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michnic 5 décembre 2016
Le client - Asghar Farhadi - critique
Magnifique ! Dommage qu’on ne sache pas qu’on est à Téhéran ni si le "client" s’en sort à la fin.
On sent bien que le réalisateur a pris soin de ne pas froisser les autorités et à cet égard il réussit une sacrée performance de montrer un pan de la vie des Iraniens et leurs relations aux autorités tout en suggestions (par exemple, que le couple se refuse de se rendre au commissariat, le mot "censure" à peine prononcé par les acteurs du théâtre...)
Quant au scénario lui-même, à mon sens volontairement "banal", il n’est finalement que le prétexte de nous emmener au cœur de la société iranienne. Le réalisateur réussit à faire un grand film avec quasiment rien. À la Clint Eastwood.
D’autre part, un aspect abordé et non des moindres est celui de la tolérance, du recul sur soi-même et sur les réflexes humains qui génèrent la vengeance et que le film interroge pour nous délivrer un message humaniste et progressiste. En plein Iran des Mollahs, il fallait oser.
Et puis , ces gens du Moyen Orient sont incroyablement beaux, ces femmes sont superbes.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce film